| Avant-propos. Comme 
                      pour beaucoup de villes importantes situées sur les 
                      frontières du nord et de l'est, les hauteurs dominant 
                      Grenoble sont occupées par des forts qui en assuraient 
                      la défense. Citadelles 
                      oubliées d'un désert de tartares aux portes 
                      de la ville, les forts de Grenoble, qui attendirent en vain 
                      d'accomplir les missions pour lesquelles ils avaient été 
                      construits, furent édifiés à la fin 
                      du XIXème siècle. Ils assuraient la continuité 
                      défensive des enceintes bastionnées qui avaient 
                      protégé la ville durant trois siècles 
                      et appartenaient à un système général 
                      cohérent issu d'une évolution de l'armement 
                      qui remettait en cause les préceptes de défense 
                      acquis jusqu'à ce moment là. Confirmant une 
                      fois encore, l'éternelle lutte entre l'épée 
                      et le bouclier. Ce changement tactique fondamental était 
                      la conséquence de l'évolution des techniques 
                      d'armement qui avaient trouvé un point d'orgue, provisoire, 
                      avec l'apparition au cours de la décennie commencée 
                      en 1850 du canon rayé. L'évolution 
                      des techniques. Après 
                      plusieurs siècles au cours desquels l'évolution 
                      de l'armement ne porta que sur des changements mineurs, 
                      c'est au milieu du dix neuvième siècle qu'une 
                      amélioration particulièrement importante de 
                      l'armement va modifier totalement l'aspect des systèmes 
                      défensifs. Au cours de la décennie commencée 
                      en 1850 apparaît le canon rayé qui augmente 
                      la vitesse, la précision et la portée des 
                      projectiles : 6 km au lieu de quelques centaines de mètres 
                      peu d'années auparavant.  Autant 
                      de nouvelles données qui rendent obsolètes 
                      les fortifications bastionnées, dont les préceptes 
                      datent bientôt de trois siècles, que pourtant 
                      l'on construisait encore dans les années 1840 et 
                      pour lesquelles subsistaient encore à ce moment là 
                      de nombreux partisans.  Des 
                      précurseurs. Les 
                      arguments qui pouvaient être opposés aux tenants 
                      de la fortification bastionnée étaient pourtant 
                      nombreux et avaient déjà eu un siècle 
                      plus tôt un partisan de choix puisqu'il s'agissait 
                      du Marquis de Montalembert - 1714 - 1800. 
                      Deux orientations essentielles permettent de se faire une 
                      idée des divergences : La première 
                      est de considérer que le point faible de la place 
                      bastionnée est dûe à la position de 
                      l'artillerie, qui mise en batterie à l'air libre 
                      sur des bastions, peut être facilement détruite. 
                      Afin d'y remédier, Montalembert, prenant exemple 
                      sur les travaux que Dürer - 1471 - 1528 
                      - plus connu comme peintre et graveur que pour ses talents 
                      de fortificateur, auteur pourtant de remarquables 
                      "instructions sur la fortification des villes, bourgs 
                      et châteaux" publiées en 1527 à 
                      Nuremberg, envisage après avoir critiqué les 
                      systèmes de Vauban, la fortification "perpendiculaire" 
                      faisant face à l'ennemi par la construction d'enceintes 
                      au tracé polygonal comprenant des ouvrages casematés 
                      ventilés dans lesquels sera dissimulée l'artillerie. Pour 
                      la seconde, certainement la plus contestée par les 
                      officiers du Génie, Montalembert envisage les progrès 
                      que pourrait faire l'artillerie et préconise de construire 
                      des ensembles fortifiés à l'extérieur 
                      des villes, en barrant les voies d'accès, d'ouvrages 
                      dont les feux s'épauleraient. 
                       
                        |  |   
                        | Reproduction 
                            des ouvrages de défense proposés par 
                            Albert Dürer dans "l'instruction sur la 
                            fortification des villes, des bourgs et des châteaux" 
                            paru en 1527 à Nuremberg et réédité 
                            en 1870 à la suite d'une traduction historique 
                            et critique de A. Ratheau, chef de bataillon du Génie. Les 
                            dessins représentent l'élévation 
                            des façades et une coupe d'un "tourrion" 
                            que Dürer proposait d'édifier en périphérie 
                            des villes pour les protéger. On ne peut s'empêcher 
                            de rapprocher ces vues en élévation, 
                            aussi bien pour l'extérieur que pour les coupes 
                            intérieures, des forts édifiés 
                            au XIXème siècle. |  Ces innovations, provenant d'un officier ayant choisi comme 
                      arme l'artillerie n'eurent pas l'aval des officiers du Génie 
                      de l'époque à qui elles apparaissaient comme 
                      dépassées. Il est nécessaire à 
                      ce sujet de préciser que ce rejet n'était 
                      pas sans raison, puisque les forts que l'on proposait s'érigeaient 
                      tels des châteaux forts et n'étaient pas encore 
                      dissimulés, comme cela sera le cas après 1870.
 Refusées 
                      en France, les théories de Montalembert, qui 
                      pouvaient s'appliquer aussi bien à la défense 
                      des villes qu'à celles des voies de communication. 
                      ne reçurent pas l'accueil qu'elles auraient mérité 
                      et hormis quelques essais autour des ports de guerre entre 
                      autre à Toulon au mont Faron elles furent en France, 
                      en général rejetées cependant qu'à 
                      l'étranger elles trouvaient quelques applications, 
                      notamment après sa mort par la construction en Savoie 
                      - alors sous la dépendance Austro-Sarde - 
                      du barrage de l'Esseillon dont les travaux s'échelonnèrent 
                      de 1820 à 1833. Et le principe en sera repris, plus 
                      tard, après que l'on eut abandonné l'idée 
                      de construire des tours. On le 
                      voit, les polémiques autour des fortifications et 
                      des systèmes de défense sont de toutes les 
                      époques et se poursuivront dans les années 
                      1860 au delà des frontières, lorsqu'un officier 
                      allemand, M. de Zastrow, trouva que Montalembert 
                      s'était fortement inspiré de Dürer. 
                      Cependant, pour compléter une vision imparfaite de 
                      la situation des systèmes défensifs de cette 
                      période, il faut savoir que la fin du dix huitième 
                      siècle et le début du dix neuvième 
                      furent surtout marqués par l'évolution de 
                      la poliorcétique liée à 
                      l'utilisation de l'artillerie montée, consécutive 
                      à l'allégement des canons, dûe à 
                      Gribauval, dont l'efficacité est démontrée 
                      par les campagnes dela Révolution puis de l'Empire.
 
                       
                        | Les 
                            photographies de cette page représentent les 
                            forts de l'Esseillon en Savoie. Sur 
                            la photo ci-contre au premier plan : la Redoute Marie-Thérèse 
                            et au-dessus des rochers surplombant une impressionnante 
                            paroi à pic : le fort Victor-Emmanuel, lui-même 
                            dominé par le fort Charles Félix. |  |  |   
                        | 
 La 
                            photo latérale représente la redoute 
                            Marie-Thérèse avec ses importantes embrasures 
                            à canons, avant que ne soient entrepris les 
                            très importants travaux de restauration dont 
                            les forts de l'Esseillon sont l'objet. |    Les 
                      premiers forts de ceinture. En 1830, 
                      malgré les divergences d'opinion entre les tenants 
                      de la fortification bastionnée et les novateurs, 
                      souvent aggravées par les échos provenant 
                      de l'étranger, Adolphe Thiers en accord avec 
                      Louis-Philippe fera entreprendre à Paris la 
                      construction des forts de ceinture et c'est quelques années 
                      plus tard, de 1840 à 1845 que furent édifiés 
                      les seize forts protégeant Lyon. L'évolution 
                      stratégique. Ces 
                      divergences ne sauraient faire passer sous silence deux 
                      autres raisons de la désaffection de la fortification 
                      bastionnée qui malgré tout sera conservée 
                      autour des villes qui en sont dotées pour assurer 
                      un réduit de défense en cas d'attaque soudaine. 
                       La première 
                      est en partie dûe au mode de recrutement qui va voir 
                      le jour après 1871. Le Service Militaire rendu 
                      obligatoire permettra d'avoir sous les drapeaux autant d'hommes 
                      que l'on souhaitera, et d'aligner devant une enceinte bastionnée 
                      une armée suffisamment importante pour en faire le 
                      siège. Pour 
                      la seconde le réduit bastionné délimite 
                      en effet un espace restreint dans lequel ne peuvent se mouvoir 
                      des réserves de troupes permettant d'organiser une 
                      contre offensive. Et il peut être très facilement 
                      pris sous les feux concentrés des batteries ennemies 
                      empêchant toutes sorties. Dès 
                      lors, l'avantage de la fortification par forts détachés 
                      devient incontestable, puisque tout en assurant la défense 
                      des points de passages obligés, il permet de préparer 
                      sur des plus grands espaces tout en les dissimulant aux 
                      assiégeants des troupes de contre-attaque. Cependant 
                      la somme de connaissances qu'avaient les officiers du Génie 
                      et de l'Artillerie ne servit pas à grand chose. Puisque 
                      la guerre de 1870 consécutive à des erreurs 
                      diplomatiques, suivie par une défaite causée 
                      par l'impréparation de l'armée française, 
                      démontra que le renforcement des fortifications existantes 
                      et l'apport de quelques forts détachés ne 
                      correspondaient plus à une protection suffisante. Toutefois 
                      l'expérience acquise au cours de cette guerre, mais 
                      surtout après celle-ci, alors que Séré 
                      de Rivières commandait les forces versaillaises 
                      qui s'empareront des forts de Paris tenus par la Commune 
                      permettra aux spécialistes du Génie de dégager 
                      les principes d'une modification de ces ouvrages et de notre 
                      défense. Le 
                      système Séré de Rivières". Le système 
                      Séré de Rivières, la plus importante 
                      organisation de défense jamais élaborée 
                      jusqu'alors dans notre pays - puisque pour les frontières 
                      du Nord et de l'Est pas moins d'environ cent quatre vingt 
                      dix forts et petits ouvrages, ainsi que plus de deux cent 
                      cinquante batteries seront construits contre vingt six places 
                      fortes édifiées et une quarantaine remaniées 
                      par le grand Vauban - qui constituera un nouveau 
                      "pré carré" découle 
                      des principes suivants:  Couvrir sur chaque frontière, la mobilisation, la 
                      concentration et les formations de combat des armées. 
  Canaliser les débouchés de l'attaque ennemie 
                      en des points de passage obligé. 
  Soustraire le plus possible le sol national aux premières 
                      opérations. 
  Barrer les voies ferrées. 
  Créer une deuxième ligne de défense 
                      en prévision d'une rupture de la première. 
  Fortifier les objectifs principaux de l'ennemi.
 Ces 
                      principes entraîneront la création de rideaux 
                      défensifs de 60 à 80 km de longueur, constitués 
                      d'ouvrages :  assez rapprochés pour que les feux de l'artillerie 
                      se croisent, 
  assez forts pour exiger un siège, 
  assez petits pour être défendus par peu de 
                      soldats, 
  et utilisant au maximum les difficultés du terrain.
 Ces 
                      rideaux seront donc constitués de forts au tracé 
                      polygonal, dont les faces susceptibles d'être attaquées 
                      seront protégées par des levées de 
                      terre ou inscrite dans le profil du site. Ils comporteront 
                      deux crêtes de feux concentriques, l'une pour l'artillerie 
                      et l'autre pour les combats rapprochés réservés 
                      à l'infanterie dont les défilements auront 
                      été particulièrement étudiés. Les 
                      pièces d'artillerie seront installées à 
                      ciel ouvert entre des traverses-hautes maçonnées, 
                      couvertes de terre, qui les protégeront contre les 
                      coups d'enfilade et les éclats d'explosion des projectiles, 
                      et dont l'intérieur servira d'abri pour les servants 
                      des pièces et de magasin pour le matériel 
                      et les munitions. Le flanquement 
                      des fossés sera assuré par des pièces 
                      d'artillerie placées d'abord à l'intérieur 
                      de caponnières, puis plus tard dans des coffres de 
                      contrescarpe. Ces forts comprendront de nombreuses constructions 
                      - casernements, magasins, poudrières, etc... 
                      - recouvertes par des maçonneries en voûtes 
                      d'environ un mètre d'épaisseur, elles-mêmes 
                      protégées par une couche de terre de plusieurs 
                      mètres. Ces principes de défense resteront 
                      valables pendant de nombreuses décennies. Dès 
                      lors, ils seront repensés. Protégés 
                      par des cuirassements et du béton et dotés 
                      de tourelles en acier pour l'artillerie. 
                       
                       
                        | La 
                          carte ci-contre représente la frontière 
                          de l'est de la France après la guerre de 1870, 
                          avec, entourées de cercles rosés, les 
                          zones d'implantation des forts du système défensif 
                          conçu sous l'égide de Séré 
                          de Rivières. |  |  |   
                        | "Les 
                            forts de Grenoble au XIXème siècle" |  
                       
                        | Le 
                            Général Séré de Rivières. Né 
                            le 20 Mai 1815 à Aibi - Tarn - celui-ci sera, 
                            après de longues études, reçu 
                            en 1835 à Polytechnique d'où il sortira 
                            en 1837 dans l'arme du Génie. Il prendra part 
                            aux campagnes d'Afrique en 1841 et 1842 pour rentrer 
                            en France en 1843 où il dirigera à Toulon 
                            d'importants travaux. Capitaine 
                            au 1er Régiment du Génie, il deviendra 
                            membre du Comité des Fortifications en 1848. 
                            Chef de bataillon en 1858 au début de la campagne 
                            d'Italie, il commandera la 8ème Division du 
                            1er Corps du Génie à la tête duquel 
                            il sera grièvement blessé et fait Officier 
                            de la Légion d'Honneur. |  |  |   
                        | A partir de 1861, après le rattachement de 
                            la Savoie et du Comté de Nice à la France, 
                            il réorganisera la nouvelle frontière 
                            des Alpes, puis responsable de l'organisation du front 
                            retranché de Metz avant d'être nommé 
                            Directeur du Génie de Lyon en 1867 dont il 
                            prépara la défense.
 Général 
                            en 1870, il commandera successivement le Génie 
                            de la 1ère armée de la Loire, de l'armée 
                            de l'Est puis le 2ème corps d'armée 
                            de l'armée de Versailles.  Membre 
                            du Comité de Défense en 1872 sous la 
                            présidence du Maréchal Mac-Mahon, général 
                            de division en 1874 et directeur du service du Génie 
                            au Ministère de la Guerre, il entreprendra 
                            l'élaboration du système de protection 
                            des frontières qui portera son nom et sera 
                            élevé à la dignité de 
                            Grand Officier de la Légion d'Honneur.  Puis 
                            en 1879 la victoire au sénat du parti Républicain, 
                            entraînera l'épuration des cadres de 
                            l'armée en majorité monarchistes. Et, 
                            était-ce son comportement d'une cruelle intransigeance 
                            lors de la chute de la commune, ou des investissements 
                            de défense, considérés comme 
                            outranciers par le gouvernement, il fût invité 
                            à présenter une demande de mise en disponibilité. 
                            Et il ne termina jamais le système de défense 
                            qu'il avait imaginé, conçu, et commencé 
                            de réaliser. |   
                        |  |    Caractéristiques 
                      générales. S'ils 
                      sont de formes différentes tous ces forts, pour s'adapter 
                      aux sites sur lesquels ils sont édifiés et 
                      aux missions qui leur étaient dévolues, sont 
                      construits sur un plan sensiblement identique. Par 
                      leur conception, exempte encore des protections procurées 
                      par les vastes chapes bétonnées et des tourelles 
                      d'artillerie nécessités au moment de l'invention 
                      de l'obus torpille, ils appartiennent à une première 
                      série mise au point après 1870 par le commandement 
                      du Génie. Entourés de profonds fossés 
                      ils comportent souvent un corps de bâtiment central 
                      ayant la forme d'un V largement ouvert qui assure une meilleure 
                      protection aux coups et permet la multiplication des angles 
                      de tirs. Ce bâtiment était destiné au 
                      logement de la troupe, le plus souvent en chambrées 
                      de quarante hommes, appelées communément casemates. Le noyau 
                      central était épaulé de part et d'autre 
                      par des bâtiments plus petits pour recevoir le logement 
                      des officiers, abriter divers services : cuisine, four 
                      à pain, infirmerie, magasin pour le matériel 
                      d'entretien, les communications, poudrières et munitions. L'ensemble 
                      de bâtiments ainsi constitué, s'ouvrait sur 
                      une cour centrale où s'effectuaient les exercices 
                      dont la vie militaire est émaillée. Cette 
                      cour pouvait communiquer avec l'extérieur par l'intermédiaire 
                      d'un petit bâtiment de garde dont la porte était 
                      équipée d'un pont-levis permettant de franchir 
                      le fossé. Les 
                      bâtiments à un ou plusieurs niveaux étaient 
                      constitués d'alvéoles couvertes en maçonnerie 
                      voûtée de l'ordre d'un mètre d'épaisseur, 
                      protégées par des chapes ciment ayant forme 
                      de pente pour diriger les eaux d'infiltrations vers des 
                      exutoires intérieurs et extérieurs permettant 
                      leur récupération dans des citernes. Au-dessus 
                      de ces voûtes prenaient place, espacées d'une 
                      vingtaine de mètres, des alvéoles également 
                      voûtées couvertes en maçonnerie de même 
                      épaisseur. Ces alvéoles nommées "traverses-abris" 
                      servaient pour abriter les servants des pièces d'artillerie, 
                      le matériel et les munitions et, pour certaines, 
                      de communiquer avec l'intérieur du fort par des escaliers. 
 
                       
                        |  |   
                        | Le 
                            plan de masse du fort du Mûrier est, par sa 
                            forme particulièrement pure, un exemple d'école 
                            des forts construits après 1871 et avant l'intervention 
                            de l'obus torpille. |    L'ensemble de ces ouvrages était couvert par de grandes 
                      levées de terre de plusieurs mètres d'épaisseur 
                      qui étaient modelées et engazonnées 
                      de manière à assumer le double rôle 
                      de protection pour les coups directs et de pare-éclats 
                      mais également de permettre la mise en batterie des 
                      pièces d'artillerie dont le fort était doté. 
                      Les levées de terre qui remplissaient ce rôle 
                      de protection se prolongeaient sur la façade extérieure 
                      des bâtiments jusqu'au bas du chemin de ronde soutenu 
                      par le mur d'escarpe. C'est ce système de protection 
                      qui donne le nom de casemate aux locaux de ces bâtiments.
 Les 
                      terres des parois du fossé étaient maintenues 
                      en place par des murs de soutènement, côté 
                      intérieur par celui d'escarpe et vers l'extérieur 
                      par celui de contrescarpe. Au niveau 
                      du fossé, la protection rapprochée était 
                      parfois assurée côté mur d'escarpe par 
                      l'exhaussement de celui-ci, au-dessus du chemin de ronde 
                      et le percement dans cette partie de mur - dit à 
                      "la Carnot" - de meurtrières permettant 
                      l'installation de tireurs aux fusils.  
                       
                        |  |   
                        | Coupe et façade schématique des forts 
                            de la première génération permettant 
                            d'apprécier l'important masse de terre de protection 
                            accumulée entre les fossés et les casemates.
 
 
 
 |   
                        |  |   
                        | Mur 
                            d'escarpe comportant des meurtrières pour tir 
                            au fusil et des embrasures pour grenadage. |    Les 
                      caponnières, coffres d'escarpe et de contrescarpe.  Primitivement, 
                      caponnière désignait dans la fortification 
                      bastionnée un passage protégé permettant 
                      de franchir le fossé entre la courtine de l'enceinte 
                      et une demi lune. La protection pouvait être complète, 
                      tel un tunnel, ou simplement constituée de glacis 
                      disposés de part et d'autre d'un couloir à 
                      ciel ouvert.  Les 
                      caponnières de nouveau type qui apparurent au XIXème 
                      siècle sont autrement plus élaborées 
                      et constituent des sortes de bastionnets avancés 
                      par rapport au mur d'escarpe. Elles pouvaient être 
                      simples lorsque leurs feux flanquaient un seul côté 
                      de fossé et doubles, lorsqu'elles flanquaient des 
                      feux de leurs canons à balles puis de leurs mitrailleuses 
                      des fossés opposés. Entre autres caractéristiques, 
                      elles pouvaient être également munies, tels 
                      les châteaux du Moyen âge pour la défense 
                      rapprochée, de sorte de mâchicoulis surplombant 
                      le fossé qui sont des trémies de grenadage. 
                      Elles pouvaient être prolongées de part et 
                      d'autre par des coffres d'escarpe comportant également 
                      des embrasures de tirs. Ce système assez fragile, 
                      puisque les façades sont sans protection de terre, 
                      disparaîtra après les modifications des projectiles 
                      et laissera la place à des coffres de contrescarpe 
                      auxquels on accédait par des tunnels. L'artillerie 
                      et son fonctionnement. Le 
                      "nombre d'or" de la fortification, la portée 
                      de l'artillerie.  
                      Véritable raison d' être des forts, l'artillerie de forteresse 
                      prenait place sur les espaces ménagés entre les traverses 
                      abris protégées par des cavaliers de terre et les banquettes 
                      de tirs.
 
   Schéma 
                      de principe d'un emplacement de batterie à ciel ouvert, 
                      sur cavalier d'artillerie
Levées de terre que sont le parapet ou talus extérieur, 
                      la traverse abri,
 le pare-éclat qui protège également 
                      des "tirs d'enfilade",
 la rampe d'accès 2/3, de même rapport que les 
                      dimensions du drapeau
  Aucune 
                      écurie n'étant prévue sur place elle 
                      était acheminée par des trains d'équipage 
                      pouvant comporter jusqu'à 10 chevaux par canon. Ces 
                      équipages regagnaient ensuite les casernes de la 
                      ville. Une fois sur place les pièces d'artillerie, 
                      canons de différents calibres, en fonction des emplacements 
                      de tirs étaient, pour les grosses pièces de 
                      155 ou de 120, disposées sur un plancher bois reposant 
                      sur des chevrons, de manières à ne pas s'enfoncer 
                      dans les terres de protection 
 
                       
                        |  |   
                        | Canon 
                            de 155 et les servants nécessités pour 
                            l'utilisation de cette pièce d'artillerie dont 
                            le poids était de 2 235 kgs , posée, 
                            afin d'assurer sa stabilité, sur une plate-forme 
                            en bois d'un poids de 2 425 kgs. Les obus de 40 kgs 
                            pouvaient atteindre leur cible à environ 7 
                            200 m. |    Les officiers de tirs positionnaient alors les pièces 
                      en batteries selon des objectifs et des angles de tirs déterminés 
                      à l'avance en fonction des points de passages obligés 
                      de l'ennemi éventuel. La cadence de tir ne dépassait 
                      pas un coup toute les deux minutes.
  Flanquement 
                      des fossés.  Outre 
                      l'armement individuel, le flanquement des fossés 
                      pouvait être assuré depuis les caponnières 
                      ou coffres de contrescarpe par des canons à balles. 
                      Cette bouche à feu - que l'on peut considérer 
                      comme annonçant la mitrailleuse - était 
                      composée de 25 tubes en acier entourés d'une 
                      enveloppe en bronze. Les tubes de calibre 13 mm. étaient 
                      rayés et chargés ensemble alors que le tir 
                      était déclenché successivement par 
                      25 percuteurs. Il existait également après 
                      1879 un canon revolver constitué de 24 tubes rayés 
                      de pas différents permettant de couvrir par un feu 
                      de salve toute une longueur de fossé.  
 
                      
                        |  |  
                        | Canon 
                            à balles conçu par le Capitaine Reyffye, 
                            aide de camp de Napoléon III. |    Magasins à poudre.
  Avant 
                      1885, les forts ne contenaient comme munitions préparées 
                      à l'avance, que les cartouches destinées aux 
                      armes individuelles. Ces ouvrages devaient donc posséder 
                      des locaux destinés aux magasins à poudre, 
                      des dépôts de gargousses, de projectiles, 
                      des ateliers de préparation des munitions, mais également 
                      des magasins de matériel et des ateliers de réparations.  Les 
                      magasins à poudre se devaient d'être facilement 
                      accessibles depuis les lieux de préparation, mais 
                      également d'être établis de manière 
                      à assurer une protection contre les coups de l'ennemi, 
                      de façon à mettre la poudre à l'abri 
                      de l'humidité. Ils sont en général 
                      de forme rectangulaire avec des murs d'environ 1,00 m d'épaisseur, 
                      couverts par une voûte de même épaisseur, 
                      laquelle est surmontée de plusieurs mètres 
                      de terre assurant une protection efficace  Le 
                      plancher bas est en général construit en hourdis sur poutrelles 
                      métalliques revêtu d'une chape hydrofuge faite avec un mastic 
                      bitumineux. Au-dessus de ce premier plancher, un parquet 
                      en chêne sur lambourdage permet d'assurer une double circulation 
                      d'air. Afin d'éviter tout risque d'étincelles, toutes les 
                      pièces métalliques sont faites en cuivre ou en zinc. La 
                      ventilation est assurée par des ouvertures débouchant dans 
                      des cheminées protégées extérieurement par des claims, 
                      ainsi que par des ouvertures latérales en chicane permettant 
                      les entrées d'air.
 
                       
                        | L'éclairage 
                          artificiel bien nécessaire était obtenu 
                          par des lampes à réflecteurs - type celles 
                          utilisées par les chemins de fer, elles étaient 
                          mises en place dans des chambres d'éclairage 
                          aménagées dans l'un des couloirs de desserte 
                          et qui ouvraient avec des verres dormants sur l'intérieur 
                          de la poudrière.  
                            Enfin les magasins à poudre étaient 
                            surmontés de paratonnerres dont les tiges amovibles 
                            étaient enlevées en temps de guerre. 
                            La poudre était enfermée dans des caisses 
                            en zinc d'une contenance de 50 kg et recouvertes dans 
                            une enveloppe en bois.
 |  |  
                        | Intérieur 
                          d'une poudrière : en partie basse, trace du plancher 
                          support alors que s'ouvrent en haut du mur frontal la 
                          ventilation haute et de part et d'autre les chambres 
                          d'éclairage. |  |  Afin 
                      d'assurer au maximum la sécurité, la poudrière ne communique 
                      pas directement avec les autres magasins ou ateliers de 
                      préparation mais seulement par l'intermédiaire de couloirs 
                      ou de vestibules. Les 
                      dépôts de gargousses et de projectiles 
                      chargés étaient installés à 
                      proximité des remparts d'utilisation et donnaient 
                      parfois lieu à l'établissement d'une traverse 
                      abri communiquant avec l'intérieur par une gaine 
                      verticale équipée d'un monte charge manuel. Les 
                      Transmissions. Si l'artillerie 
                      était essentielle, l'autre point important concernait 
                      les communications, indispensables au bon fonctionnement 
                      de l'ensemble défensif. Tout 
                      au début les transmissions étaient assurées 
                      par le télégraphe optique dont les 
                      portées variaient en fonction des types d'appareils. 
                      Pour les plus performants destinés à être 
                      placés dans les forteresses, les portées pouvaient 
                      atteindre 120 km. Enfin plus tardivement il fut installé 
                      des lignes téléphoniques 
 
                      
                        |  |  
                        | Equipe 
                            de transmetteurs autour de l'appareil de télégraphe 
                            optique |    Afin de pallier toute défaillance éventuelle 
                      du matériel ou de surmonter une période de 
                      mauvais temps, les places importantes étaient équipées 
                      de colombiers militaires relevant également des autorités 
                      locales du Génie. Le service était assuré 
                      par des sapeurs colombophiles qui soumettaient leurs 
                      pensionnaires à un entraînement en pratiquant 
                      des échanges entre les places. Autre particularité 
                      de ce service, les sapeurs colombophiles ont pu vendre la 
                      "colombine" - fiente de pigeon 
                      - à leur profit auprès d'agriculteurs qui 
                      utilisaient ces déjections comme engrais, jusqu'en 
                      1917 ou l'Etat par le ministère de l'agriculture 
                      décida que le produit de ce ramassage devait revenir 
                      à ses caisses et serait désormais attribué 
                      par adjudication publique.
 La 
                      vie à l'intérieur des forts. La vie 
                      à l'intérieur des forts était bien 
                      évidemment différente de celle que pouvait 
                      avoir les soldats à l'intérieur des dernières 
                      casernes construites à la même époque 
                      dans les villes et qui comportaient des chambres à 
                      24 lits, des espaces réfectoires et des lavabos. Les 
                      forts qui constituaient un point d'appui important du système 
                      défensif ne servaient que de cantonnement passager 
                      à des compagnies destinées à être 
                      relevées périodiquement en cas de conflit. 
                      Bien qu'ayant tout le nécessaire, la vie des officiers 
                      et de la troupe y était très spartiate. En règle 
                      générale, les parties supposées être 
                      les moins exposées aux feux de l'ennemi abritaient 
                      le commandement, les chambres des officiers, les dépôts 
                      de matériels, de vivres, cuisine, four à pain, 
                      infirmerie et citerne d'eau. La partie se trouvant sous 
                      les traverses-abris constituait les casemates destinées 
                      au logement de la troupe. Chacune des casemates pouvait 
                      abriter 40 hommes. Cependant, 
                      il n'y a pas de réfectoire, ni même de table, 
                      les soldats qui avaient parfois un tabouret mangeaient dans 
                      leur chambre sur une tablette de bois rabattable qui était 
                      fixée au lit. Le chauffage 
                      était assuré par des poêles à 
                      charbon en fonte dont l'évacuation des fumées 
                      se faisait souvent par des tuyaux métalliques raccordés 
                      à un trou communiquant avec l'extérieur. Des 
                      systèmes plus perfectionnés de type chauffage 
                      à air chaud avec évacuation de l'air vicié 
                      en partie supérieure verront le jour dans les projets 
                      du Génie, mais ne seront jamais généralisés. 
 
                       
                        |  |   
                        | Coupe 
                          schématique montrant le système de chauffage 
                          par air chaud, imaginé par le service du Génie 
                          et appliqué au fort de Comboire. Le conduit de 
                          fumée jumelé parcourt la quasi totalité 
                          de la longueur de la casemate dans une gaine maçonnée 
                          munie d'ouvertures au-dessus des lits de manière 
                          à diffuser la chaleur. Cette approche moderne 
                          de diffusion de la chaleur a été souvent 
                          utilisée et avait retrouvé un nouvel essor 
                          dans les années 1960 à partir de poêle 
                          au fuel. |    L'ameublement des casemates ne comprend que des lits à 
                      4 places en plancher de bois, avec tablettes rabattables 
                      pour prendre les repas, et râteliers d'armes 
                      permettant de suspendre les fusils horizontalement. Entre 
                      les lits prennent place des planches à bagages.
 Les 
                      cuisines sont assez bien équipées, dotées 
                      de fourneaux fixes avec hottes et cheminées d'évacuation, 
                      leur équipement comprend des marmites permettant 
                      de cuire jusqu'a 800 l. de soupe, des percolateurs permettent 
                      de préparer plusieurs dizaines de litres de café. Sauf 
                      cas particuliers, les forts comprennent des fours à 
                      pain permettant d'assurer la préparation des rations 
                      quotidiennes de plusieurs semaines. Les 
                      sous-officiers sont logés dans des chambres analogues 
                      à celles des hommes de troupe, en lits à 2 
                      étages mais seulement 1 place par lit. Les 
                      officiers sont parfois logés en chambres individuelles 
                      qui servent également de bureau, toutefois lorsque 
                      l'une d'entre elle est disponible, elle sert de salle à 
                      manger dans certains forts. Les officiers, les sous-officiers 
                      et la troupe se nourrissent au même ordinaire. 
 
                      
                        |  
 Lit à deux étages pour quatre soldats, 
                            comportant un support en bois sur lequel était 
                            posé un matelas en crin.
 Les lits étaient fixés aux murs de la 
                            casemate par des pièces métalliques 
                            que l'on peut encore apercevoir dans certains locaux.
 |   
                        |   |   
                        |  |   
                        |  |  |   
                        | 
 Lits jumelés 
                            à 4 places sur deux niveaux avec sommiers bois 
                            - reconstitution avec les lits d'époque au 
                            fort du St Eynard.
 
 |    Les zones de servitude.
 Enfin, 
                      si ces forts apportaient aux villages à proximité 
                      desquels ils étaient construits un surcroît 
                      d'activité dû à la présence de 
                      la troupe, ils exerçaient une lourde contrainte pour 
                      les terres qui les entouraient par la création de 
                      zones de servitude. Celles-ci 
                      s'appliquaient, conformément au décret du 
                      10 Aout 1853, sur les propriétés comprises 
                      dans trois zones commençant toutes aux fortifications 
                      et s'étendant respectivement sur des distances de 
                      250 ; 487 ; 584 et 974 m suivant les places, et toute construction 
                      neuve de maisons, clôture et autres bâtisses, 
                      ainsi que toutes réparations, transformations ou 
                      modifications qu'elle qu'aient pu être la cause étaient 
                      soumises à l'avis de l'autorité militaire. 
                      Tout manquement à ces règles pouvait faire 
                      l'objet de procès-verbaux de constatations dressés 
                      par les gardes du Génie et entérinés 
                      par le Maire ou le Juge de paix. 
 
 |