Ou selon le décret du 21 janvier
1887, du général Georges Ernest
Jean Marie Boulanger, dit "Général
Boulanger", qui voulait que l'on rebaptise chaque
ouvrage militaire du nom d'une gloire militaire, si possible
locale,
"Fort Aubert DUBAYET".
C'est en mars 1873 que fût approuvé par le
Comité des fortifications l'avant-projet sommaire
de construction - sur la commune d'Herbeys, au sommet
des quatre seigneurs à une altitude de 937 m
- d'un fort qui devait assurer la protection des routes
venant de Vaulnavey et d'Uriage, par les vaux du Sonnant
et du Doménon. Mais aussi protéger le fort
du Mûrier en prenant sous ses feux le plateau de Venon
et de Reyne sur lequel auraient pu être installées,
par des troupes ennemies, des pièces d'artillerie
qui auraient alors dominées le fort du Mûrier.

La
période nécessaire à la réalisation
des plans du projet définitif, approuvé en
février 1875, permit d'effectuer l'achat de terrains
d'une superficie de 60 743 m² pour un montant de 16
863 F. Les travaux de construction commencèrent en
mai 1875 et se terminèrent en 1879. Le fort construit
sur le sommet, dont dans un premier temps il ne prit pas
le nom - puisqu'il s'appelât
Aubert Dubayet - a une surface bâtie de
2 240 m² ouvrant sur deux cours séparées
par une rampe d'accès d'artillerie aux traverses-abris
de 2 200 m².
Il
comprend un ouvrage important de forme oblongue avec retour
d'angle à l'Est constituant le front d'attaque c'est
le bâtiment "a". Il abrite la totalité
des chambres de troupe et de sous-officiers et une chambre
pour l'officier de semaine. Il abrite également le
four à pain et la boulangerie ainsi que de nombreux
magasins destinés au Génie et aux vivres,
mais surtout à l'artillerie et aux munitions. Il
est divisé, en deux parties sensiblement égales,
par des rampes d'accès aux traverses-abris supérieures.
C'est l'aile droite située à l'est qui a été
détruite lors du coup de main organisé par
la Résistance en 1943.
La
structure de ce bâtiment est identique au bâtiment
principal du fort du Mûrier : casemates voûtées
reposant sur d'épais murs de refend. L'ensemble des
voûtes étant également protégé
par une forme en béton et d'une étanchéité
en asphalte. Le tout surmonté de traverses-abris
et soutenu par une masse de terre dans laquelle les obus
- qui n'étaient pas encore des torpilles -
auraient perdus de leur efficacité. Les ouvertures
des casemates en portion d'arc de plein cintre sont soulignées
par un parement de briques rouges, de même que les
piédroits des portes et des fenêtres qui ont
été parfois masqués par des enduits
au mortier bâtard.
Le
bâtiment "b" constitue une particularité
puisqu'il reçoit à proximité de l'entrée
et du pont-levis - dont il assure en partie le flanquement
- les chambres d'officiers, mais aussi le poste du bureau
du télégraphe, la cuisine de la troupe pour
la partie supérieure, trois réserves d'eau
en rez-de-chaussée, avec filtres, d'une contenance
pour les seules citernes de 486 m3, l'équivalent
d'une piscine de 25 x 10 m et de 2 m de hauteur pour le
sous-sol.
Ce
bâtiment est d'une facture beaucoup plus classique
construit à l'épreuve. Murs de façade
et de refend en pierre sont porteurs et supportent des planchers
de voûtains reposant sur des I.P.N. La couverture-terrasse,
étanchée par une couche d'asphalte, recevait
également une couche de terre de protection. Les
ouvertures de façades, les linteaux et piédroits
en béton sont surmontés d'un arc de décharge
en brique.
Les
bâtiments "c" et "d",
légèrement écartés des bâtiments
principaux, servaient exclusivement de magasins et d'abris
de chargement et sont surmontés d'emplacements de
batteries orientées vers l'Est.

Ces
photographies montrent l'angle formé dans l'axe du
bâtiment "a" par la rampe d'accès
aux emplacements de batteries et le passage, surmonté
d'une voûte à plein cintre,
entre les deux cours intérieures. Il est à
remarquer la médiocre qualité des pierres
de construction, prélevées sur place, toutefois
légèrement supérieure
et en meilleurs état que celles du fort du Mûrier

L'ensemble
des bâtiments est construit en pierre calcaire sableuse
schitosé, d'une qualité légèrement
supérieure à celle du fort du Mûrier,
provenant des zones d'extraction situées sur place.
Les seules animations de façades proviennent du rythme
des ouvertures et des apports de briques déjà
évoqués.
Le
fort est entouré d'un profond fossé dont l'escarpe
et la contrescarpe sont maçonnées avec les
mêmes pierres. Enfin, le dispositif de défense
comprenait une douzaine d'abris pour la poudre et les munitions
dissimulées dans les abords, à l'Ouest et
au Nord-Ouest, ainsi qu'un magasin à poudre, caverne
située au Nord-Ouest et accessible par le fossé.
Le
fort avait requis, pour sa construction, la participation
de 180 ouvriers, pour la plupart d'origine italienne, de
l'entreprise Auguste Tivolle. Il convient de signaler,
là encore, le paiement des ouvriers à l'aide
de cette monnaie fiduciaire destinée à faciliter
les rapports avec leur patron qui était également
propriétaire de la cantine et des moyens de logement
de son personnel. Les jetons furent frappés par l'entrepreneur
avec l'autorisation d'une association alimentaire émanant
de la ville de Grenoble, portaient l'empreinte des armes
de la ville : d'argent à trois roses de gueule, datés
de 1850 - ce qui pourrait, s'il en existe encore, induire
les numismates les possédant, sur une fausse date
quant à la construction du fort - et avaient
une valeur faciale de 1 F, 10 c, 5 c et 50 c, surmontés
des initiales A.T. - Auguste Tivolle.
Après
sa construction terminée en juin 1879 pour un montant
de 1 180 137 F, le fort fut affecté à l'artillerie.
Sa garnison qui était en temps de guerre de 416 soldats,
4 sous-officiers et 10 officiers, était réduite
de moitié en temps de paix. L'eau nécessaire
195 m3 pour trois mois, était conservé en
citerne. Un four à pain permettait de cuire 380 rations
et une chambre de 20 lits pouvait servir d'infirmerie. L'armement
était important et ne comportait pas moins de 18
canons :
4 de 155,
6 de 138,
6 de 120
et 2 de 7.
Plus 4 canons à balles destinés aux flanquements
des fossés.
Les magasins contenaient 123 000 kg de poudre et 2 177 300
cartouches.

Angle
intérieur constitué par les bâtiments
"a" au fond et "b" à gauche,
le passage du fond permet l'accès du chemin de ronde
et au fossé.
Là encore, malgré le temps, les pierres sont
dans un état satisfaisant.
A noter, les arcs de décharge en briques, de fabrication
locale,
permettant de soulager les linteaux d'une partie de leur
charge.

Plan
des ouvrages.

Façade
Ouest du bâtiment "b", en bas à gauche,
trémie de grenadage flanquant le fossé
du côté gauche du pont-levis. Ci-dessous, la
photographie montre
les gaines des magasins à poudre caverne.


Plan
des maçonneries.
La
Résistance.
Tout
comme les précédents, le fort n'eut aucune
utilité pendant la première guerre. Il fut
désarmé en même temps que les autres
forts en 1915 et utilisé ensuite comme dépôt
de matériel. Lors de la dernière guerre il
ne servit pas davantage et à après l'armistice
de 1940 les troupes italiennes qui l'occupèrent,
l'utilisèrent comme dépôt de matériel
et de munitions. C'est au moment où les italiens,
évacués de leur zone d'occupation par les
soldats allemands, déménagèrent, laissant
le fort sans garde, que l'Etat -Major de la Résistance
choisit pour lancer, les 11 et 12 septembre 1943, une opération
conduite par Paul Vallier - à laquelle participèrent
les habitants du Mûrier tels : Roux, Fouillet et Marius
Didier - qui permit de récupérer une partie
de ce stock d'armes et de munitions.
Et
c'est encore l'Etat- Major de l'Armée secrète
qui décida de détruire le fort avant que les
allemands ne l'occupent. Paul Vallier se chargea encore
de cette action et le dimanche 14 septembre, il monta à
vélomoteur placer des charges explosives à
retardement, en divers points du fort. Puis il redescendit
et attendit en vain les explosions qui, en raison de la
qualité médiocre des crayons détonants
ne se produirent pas. Il remonta une nouvelle fois au fort,
modifia son dispositif avec de nouveaux crayons, reprit
le chemin de retour vers le Mûrier et croisa dans
la descente un car avec les soldats allemands qui montaient
occuper le fort. L'explosion se produisit dès leur
arrivée et, selon les témoignages, l'on ne
retrouva que quelques débris sanglants de cette petite
troupe et quelques amas de ferrailles tordues du car. Les
dégâts furent particulièrement importants
devant l'entrée du fort où les abris-munitions
furent complètement détruits et sur l'aile,
la plus à l'Est de l'ouvrage, il ne subsistait pratiquement
plus rien de la façade du bâtiment "a"
qui en raison de sa conception "voile"
constituait un point de faiblesse.

Ci-dessus
et dessous, le fort, après les destructions occasionnées
par le coup de main monté par la Résistance
et exécuté de main de maître par Paul
Valier ; il s'agit plus particulièrement de la cour
située à droite de la rampe d'accès
aux batteries. Ces destructions importantes ont créées
une coupe du bâtiment permettant d'apprécier
le système constructif.
Et, si la façade, constituée par un mur voile,
a complètement disparu, les voûtes et les traverses
abris supérieures ne se sont pas effondrées
et ont résisté au souffle de l'explosion.

Après
la libération il ne sera pas réoccupé
et en 1968, acheté par le C.E.A. qui y placera des
appareils de contrôle. Puis peu à peu il sera
laissé à l'abandon et la proie de la végétation
et des déprédations de toutes sortes. A présent,
très isolé par rapport aux autres forts de
l'agglomération, il ne semble pas que son avenir
puisse être envisagé et c'est peut-être
dommage, car le bâtiment "a" est encore
en assez bon état et pourrait peut être abriter
quelques projets.

Enfoui
sous une végétation de plus en plus dense,
le fort aura bientôt disparu et ne sera
plus qu'un amas de pierres éparpillées sur
le sommet des Quatre seigneurs.
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Jean
Azeau.
Compléments et mise en forme de
S. Pivot. |
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