le premier "système" cohérent d'artillerie moderne.

 

 

Charles, Timothée, Maximilien, Valérand Ragon de Bange est né le 17 octobre 1833 à Balignicourt dans l'Aube.

Admis à l'Ecole Polytechnique en 1853, il en sort sous-lieutenant en 1855, choisit de servir dans l'artillerie et rejoint l'Ecole de Metz.

Lieutenant au 8eme régiment d'artillerie montée, il participe à la campagne d'Italie et se distingue à Palestro et Solferino.

De retour en France, technicien remarquable, il est de 1860 à 1862, responsable de l'armement des côtes à l'Arsenal de Brest.

Promu capitaine le 24 décembre 1862 il est délégué aux Forges du Centre à Nevers, puis en août 1864 à la Manufacture d'armes de Châtellerault.

En 1866, il est affecté à l'école atelier de la Pyrotechnie de Metz.

Après avoir effectué son temps de commandement au 9eme régiment d'artillerie de 1867 à 1868, il est nommé adjoint au directeur de l'Atelier de précision du dépôt central de l'artillerie à Paris et y demeure pendant toute la guerre.

Chef d'escadron en février 1874, lieutenant-colonel en janvier 1878, colonel en novembre 1880, il sollicite sa mise à la retraite le 11 mars 1882, pour prendre la direction des usines Cail, lesquelles à Grenelle, Denain et Douai avaient créé l'outillage nécessaire à la fabrication des matériels dont il est l'inventeur. A la tête de ces ateliers jusqu'en 1889, il perfectionne sans cesse ses créations, met au point de nouvelles pièces, s'intéresse au matériel ferroviaire, perfectionne des locomotives.

A la fin de sa vie professionnelle, il se retire au Chesnay, prés de Versailles où il meurt le 9 juillet 1914.

Son œuvre majeure, qui le rendra illustre, est la création entre 1877 et 1882, dans le cadre de la réforme de l'artillerie décidée par le ministère de la guerre après la défaite de 1870, du premier système cohérent d'artillerie moderne. Il s'agit d'un système faisant exclusivement appel à des bouches à feux en acier, rayées, se chargeant par la culasse et armant organiquement tous les niveaux de l'artillerie.

Complet, robuste, d'une mobilité extrême, il couvre l'ensemble des besoins en feux indirects de l'époque, canons de campagne, de montagne, de siège, de place, de côte avec un large panel de calibres : 80, 90, 95, 120, 155, 220, 240 et 270 mm.

Ces matériels font leur preuve opérationnelle en Tunisie, au Tonkin, au Dahomey, à Madagascar et replacent l'artillerie française au premier rang de l'artillerie européenne. Ils assurent à la France une réelle supériorité des feux. Pendant la Grande Guerre, la France dépourvue d'artillerie lourde ressort de ses parcs cinq mille de Bange et certains demeurent en service jusqu'en 1945.

Commandeur de la légion d'honneur en 1889, chevalier de l'Ordre britannique du Bain, décoré de la médaille d'Italie, soldat dévoué, ingénieur exceptionnellement doué, le colonel de BANGE fait partie de la famille prestigieuse des Vallière, Gribeauval, Valée, Treuille de Beaulieu, Lahitolle, Reffye…

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Le "système" de BANGE.

Etudier l'artillerie au cours du dernier siècle de son histoire, c'est assister à la lutte entre les progrès souvent exponentiels de la technique et la volonté humaine de ne pas se laisser dépasser.

Si par ailleurs nous évoquions de manière généraliste l'Artillerie à la fin du XIXeme siècle, véritable charnière technologique, rappelant l'existence de nos premiers canons de montagne que furent l'obusier de "12" du système Valée, de "4" du système 1858, pour clore rapidement l'article sur l'artillerie en acier et le chargement par la culasse.

Attardons-nous maintenant sur le système en-tête, mit en service entre 1877 et 1885, qui hormis les évolutions techniques et technologiques majeures, inhérentes et successives que seront le "lien élastique" limitant le recul et réduisant le temps de retour en batterie, l'affût déformable et les flèches ouvrantes autorisant le réglage en direction depuis la pièce, le frein de bouche réduisant la pression des gaz de sortie…etc., cent vingt années après, alors que nous parlons de plus en plus d'armes nouvelles, chose qui mérite d'être relevée, régit intrinsèquement nos pièces actuelles - tubes en acier, âmes rayées, chargements par la culasse - et nous autorise à penser que cette artillerie conventionnelle aura encore un rôle important à jouer et à considérer que ces nouvelles armes, ne sont en fait, qu'une nouvelle artillerie ?

 

Les "Systèmes" précurseurs.

De tout temps on a cherché le moyen de frapper l'adversaire sans s'exposer à ses coups, le procédé du tir courbe est né de cette volonté d'appuyer au plus loin les troupes amies par des feux puissants dans une relative sécurité.

Ainsi, cinq ou six siècles avant notre ère naquit la première artillerie névrobalistique, puis avec l'apparition des mises à feu, l'artillerie est devenue une véritable science, domaine privilégié de recherche des meilleurs ingénieurs aussi prisée que l'alchimie.

Plus proche de nous, au XIVeme siècle, l'introduction en Europe de la poudre noire conduit à l'invention des premières armes à feu : bombardes, serpentines, couleuvrines. En 1550 est créé le service de l'artillerie. Ses efforts portent d'abord sur l'unification des calibres, un édit de Henri II, renouvelé en 1572 par le grand maître Jean d'Estrées, limite à six le nombre de calibres autorisés, d'où la création du système dit "des six calibres de France", de 20 à 168 mm, tirant des boulets sphériques en fonte.

Vers 1732, les guerres nombreuses et l'utilisation des matériels pris à l'ennemi entraînent un relâchement dans les fabrications. De nouveau les calibres et les types de matériels se multiplient. Le grand maître de l'artillerie décide alors de remettre un peu d'ordre dans cette diversité des matériels. Cet effort d'homogénéité conduit à la création du système Vallière : un obusier de 8 pouces, des calibres de 4 à 24 livres, des mortiers de 8 et 12 pouces et un pierrier de 15 pouces.



1745 - Régiment du Royal - Artillerie, canon de 16 du système Vallière.

En 1764, Gribeauval innove ; il veut réaliser un véritable système d'artillerie, c'est à dire un ensemble de matériels dérivant d'une conception générale unique. En conséquence il spécialise les matériels et ceux-ci doivent être adaptés à l'emploi auquel ils sont destinés : matériel de campagne, de siège, de place et de côte. Chose importante pour la future artillerie de montagne il réalise un matériel nouveau, plus court que le canon, conçu pour le tir courbe : l'obusier. Il dote ainsi l'artillerie française de matériels qui au cours des guerres de la Révolution et de l'Empire, s'affirment les meilleurs d'Europe. Ce système sera cependant le dernier qui fasse à l'empirisme une part prépondérante. Désormais, pour la balistique intérieure, extérieure, la résistance des bouches à feux, la solidité des affûts, les études théoriques remplaceront l'empirisme. Les progrès techniques et le développement de l'industrie seront tellement rapides que l'on aura rarement le temps de réaliser des systèmes complets, l'apparition des matériels rayés par exemple sera une véritable révolution pour l'artillerie.



1786 - Corps Royal de l'Artillerie, canon de 12 du système Gribeauval en position de route.



A gauche, 1775 - Corps royal de l'artillerie de place - canon de 16 Gribeauval,
à droite - 1786 - Canonniers gardes cotes devant un canon de 24 du système Gribeauval.
A remarquer, pour le réglage alors de la hausse, les affûts dits "à échantignolles",
et couvrant les lumières de mise à feu, les "chapiteaux" de couverture.


Les guerres de l'Empire et les pertes en matériels qu'elles entraînent, imposent la refonte du système Gribeauval.

Suivent le système de "l'an XI", le système de "Valé ou système 1827", puis le système de"1858"



1855 - Siège de Sébastopol - la batterie n° 33.

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1870 - La défaite - Le réveil.

Sans doute abusés par les faciles victoires remportées en Afrique, nos artilleurs entrent en guerre avec des matériels et des méthodes à peine plus performantes que celles du Premier Empire. Dés les premiers combats, au début de la bataille, notre artillerie se trouve le plus souvent réduite au silence par l'artillerie adverse. Les accusations pleuvent : les canons prussiens tirent beaucoup plus rapidement…, nos obus sont inefficaces…, nous avons négligé les fusées percutantes…, leurs batteries sont plus mobiles…, leurs tirs plus précis...

Dans ce concert de critiques le discours du général Susane qui dénonce les faiblesses humaines et l'incapacité des chefs ne reçoit aucun écho favorable ! C'est le matériel qui est mis en cause et les servants d'artillerie "donnent des coups de pieds dans leurs canons en bronze".

Heureusement des enseignements pertinents sont tirés de cette défaite et des objectifs précis sont donnés aux responsables de l'artillerie. Le 28 juin de cette même année, le ministre de la Guerre, le général Flo, écrit au président du comité d'artillerie : "Général, il me paraît indispensable, après la dernière guerre et les derniers événements de Paris, où l'artillerie a joué un rôle considérable et dans des conditions si diverses, de chercher à mettre en évidence les qualités et les défauts du matériel employé, de pouvoir exécuter dans le plus bref délai possible, les améliorations que la pratique aura fait juger nécessaires… L'œuvre qui incombe au comité exigera un travail considérable… Les questions du programme devront être traitées dans l'ordre suivant : première urgence l'artillerie…". On ne peut être plus clair !

Les études pour la reconstitution du matériel d'artillerie sont entreprises à la suite d'une circulaire ministérielle du 5 août 1871, qui invite les officiers de l'arme à étudier un canon léger. Tube en acier, chambre rayée, chargement par la culasse, affûts en fer…, c'est sur ces principes qu'en 1872, Périer de Lahitolle, inspecteur des études polytechniques, présente un premier canon de campagne de son invention, puis au mois d'août 1874 un second de calibre 95 mm. Il est adopté sans hésitation sous le nom de canon de position ou de grande réserve et dès octobre le ministère commande le nombre de pièces nécessaires à l'armement de deux batteries divisionnaires.



Manœuvre de descente d'un canon de 95 Lahitolle d'un affût de siège et de place.



Réputé pour sa précision, maintenu en service en raison des stocks de munitions encore disponibles,
témoin si besoin de sa longévité d'utilisation,
après l'Armistice de 1940, des "95 Lahitolle" sur wagon.


Dans l'attente d'expérimentation de nouveaux matériels, on décide provisoirement, la mise en service des canons de 5 et de 7 de Reffye, dit "matériels de transition, système de Reffye 1873".

Dans le même temps, notamment dans les ateliers Schneider du Creusot, on recherche un nouvel alliage pour les tubes, et de son coté, le colonel de Bange ne reste pas inactif. En janvier 1875 ont lieu les essais de ses canons de calibres 80 et 90 mm. Les tirs se révèlent excellents, bien supérieurs à tout ce que l'on connaît à l'époque.

Le ministre manifeste cependant son impatience, il demande de cesser les études et de passer à l'adoption d'un matériel nouveau. Après une campagne de tirs comparés, la conclusion des essais a lieu le 9 janvier 1877 : cinq commissions sur dix se prononcent pour le matériel de Bange et les mérites de sa culasse à vis.

Le 23 janvier, le ministre approuve les conclusions du comité et les canons de Bange sont adoptés. Les deux inventeurs sont récompensés par une même lettre de félicitations pour : "…les travaux considérables et intelligents auxquels ils se sont livrés, en vue de la réorganisation du matériel…".

Pour l'artillerie française les leçons de la défaite ont été tirées, elle regagne le niveau qu'elle n'aurait jamais dû quitter, le premier. La production démarre. Ainsi vers 1880, est-elle forte de 380 batteries montées, 57 batteries à cheval, et pour répondre à la doctrine française des rideaux fortifiés, 57 batteries à pied affectées aux ouvrages, soit 494 batteries, au total le parc est plus que doublé par rapport à 1860.

Après 1883, pour le service des équipages de place et de siège quelque peu négligé jusqu'alors, cette organisation est de nouveau remaniée, l'artillerie de forteresse est créée : 16 bataillons à 6 batteries à pied, soit 96 batteries supplémentaires.

Enfin en 1888, en même temps que les troupes de montagne, est créée l'artillerie de montagne : douze batteries voient le jour, affectées pour moitié à la 14ème brigade d'artillerie de Grenoble - 2ème régiment d'artillerie - et à la 15ème brigade d'artillerie de Nîmes - 19ème régiment d'artillerie.

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Les pièces.

En quelques années, la construction d'un véritable système d'artillerie de campagne, de siège, de place, de côte, de montagne est lancée. Les canons longs sont très performants, très mobiles grâce à leurs roues de grand diamètre, ils possèdent un avant-train et tirent sur roues; les canons courts et les mortiers doivent reposer pour le tir, sur une plate-forme bien assise. L'ensemble constitue le système recherché, bien conçu, réussi, puissant. Les bouches à feux en particulier sont remarquables de fini, de solidité, de précision.

Artillerie de campagne.

Canon de 80 mm de campagne - Mle 1877.

Ainsi nommé parce que le diamètre de l'âme est de 80 mm, c'est une pièce d'un poids en batterie de 950 kg, tirant à une portée maximale de 7 100 m, trois types de projectiles de l'ordre de 6 kg, l'obus ordinaire, l'obus à balles, la boite à mitraille. Si toutes les parties principales de son affût et de son dispositif de pointage sont identiques à celui du 90, il en diffère par les dimensions et quelques dispositions concernant les menues ferrures.

Canon de 90 mm de campagne - Mle 1877.

Adopté définitivement comme canon de campagne en raison de son poids peu élevé - 1 210 kg - et de la qualité de sa bouche à feu, il tire à la portée maximale de 6 900 m, quatre types de projectiles d'un poids moyen de 8 kg, l'obus ordinaire, l'obus à balles, l'obus à mitraille, la boite à mitraille.


Le chef de pièce lève la main, indiquant que la pièce est prête à "faire feu".


Au départ du coup la pièce recule de plusieurs mètres et doit être ramenée à bras à sa position initiale. Pour limiter ce recul on adopte en 1888, après 10 ans d'essais, un "frein à corde", basé sur le principe du cabestan, proposé par le capitaine Lemoine du 13eme R.A, amélioration qui valut à son inventeur, alors en retraite, des droits se montant à 150 000,00 francs or.



Détail du "frein à corde" du capitaine Lemoine.


En position de route, sa crosse est assujettie à un avant-train spécial, hippomobile, l'ensemble ainsi constitué se nommant "voiture pièce".


Artillerie de montagne.

Canon de 80 mm."de montagne" - Mle 1878.

L'artillerie de montagne est comme son nom l'indique, destinée à la guerre en pays de montagne. Elle doit, par conséquent, pouvoir passer par des chemins escarpés, difficiles et étroits, c'est à dire être légère et peu embarrassante. A ces qualités, sans lesquelles elle ne saurait exister, on est donc obligé de sacrifier en partie celles comme désirables pour l'artillerie de campagne. Un matériel d'un emploi aussi exceptionnel ne doit être compliqué, aussi ne comprend-il qu'une seule pièce de bouche à feu. Le facile transport de cette pièce et de son affût la rend précieuse. Enfin les petites colonnes expéditionnaires, opérant dans les régions presque désertes et peu fertiles de certaines parties de l'Afrique ou sur les terrains sauvages et dépourvus de bonnes routes des colonies lointaines, doivent trouver dans l'artillerie de montagne un auxiliaire qui doit les suivre partout, ce que ne peut pas faire l'artillerie attelée de campagne, même la plus légère…. C'est ce par ces termes, qu'en 1886, le commandement résume cette artillerie particulière.

Adopté le 25 juillet 1878 comme canon de montagne de petit calibre, décomposable et transportable en trois fardeaux - bouche à feu, roues, reste de l'affût - sur bâts ou tracté à la limonière, il est dévolu aux opérations en montagne et opérations dans les régions dépourvues de route.



Embrun - 7ème Groupe Alpin - 30 ème B.C.A. et 19 ème batterie du 2 ème R.A.
80 de montagne "à la limonière".



1896 - Pas de la Cavale,
passage à dos d'hommes du matériel de batterie du "80 de montagne".


Conçu autour d'un tube rayé, moins long que celui du canon de campagne et d'une culasse allégée, il en diffère également au niveau de l'affût par l'ajout en 1880 d'une rallonge de flèche évitant son renversement pendant "le tir au-dessous de l'horizon", par son mécanisme de pointage, son système de freins destinés à modérer le recul, la présence de leviers-portereau et d'un brancard double appelé limonière - celle de l'affût de montagne du canon de 4 rayé, à laquelle on ajoute des crochets de brêlage.



Planche du dessin d'époque, l'on y distingue la limonière, les "enrayures à ressort", le "levier-porterau" et l'écouvillon levier.

D'un poids de 310 kg avec sa rallonge de crosse, il tire à 4 100 m, à la cadence de 4 à 6 coups en 3 minutes, mais avec des vitesses initiales réduites, les mêmes projectiles que son homologue de campagne, l'obus à mitraille Mle 1885, l'obus allongé en acier Mle 1890, l'obus ordinaire en fonte Mle1877 et les obus à balles Mle 1895. Compte tenu de ses faibles vitesses initiales de 250 à 380 m/s ils sont armés d'une fusée percutante d'un autre système. En 1886, son prix approximatif est de 1 700 francs.

Une capacité peu connue de cette pièce est celle de "Lanceur de mines". Privée de ses roues, de sa rallonge de flèche, placée sur des madriers inclinés à 40°, elle est utilisée pour lancer des bombes cylindriques - mines, pourvues d'une queue de 80 mm. Ces bombes, animées d'un mouvement de rotation imprimé par les rayures de l'âme, ne comportent pas d'ailettes, renferment selon le modèle de 18 à 35 kg - la munition pèse alors 100 kg - d'explosif. Dans ces conditions la portée utile est de l'ordre de 300 m, distance très courte, qui sous le feu direct de l'infanterie et les éclats de ses propres munitions, met en danger les servants, et les empêchent de se replier - plus de roues d'affût - utilisée en cas extrême.

Artillerie de siège.

"Combattre et réduire au silence la puissante artillerie de la place assiégée, qui comprend généralement des pièces du plus fort calibre ; rendre inhabitables les terres-pleins de la fortification ; disloquer les abris qui y sont établis ; ruiner toute la défense de la place ; ouvrir, de loin si cela est possible, les remparts à l'armée assiégeante, en détruisant les escarpes de la fortification et en renversant les parapets dans le fossé, de manière à former des rampes praticables aux colonnes d'assaut……. Pour le remplir convenablement, il faut des pièces puissantes, possédant aux grandes distances une précision suffisante, non seulement pour le tir de plein fouet, mais encore dans le tir plongeant…. C'est pourquoi l'artillerie de siège doit être essentiellement composée de bouches à feu de gros calibres…". Tel est d'une le rôle général de l'artillerie de siège.

Ainsi, le 11 mai 1874, le Ministère adopte les calibres de 120, 155, 220, et les mortiers rayés de 220 et 270 mm. Un canon court de 155 mm est à l'étude par lettre du 2 décembre 1878, le tracé d'un canon de 240 ayant été adopté le 31 décembre 1875. D'autres décisions sont prises : des canons de 240 mm sont mis en commande le 22 janvier 1876, le canon de 155 mm est adopté le 23 mars 1877, le tracé définitif de celui de 270 mm est approuvé le 24 mai 187, celui du 120 mm le 9 décembre 1878…

Canon de 120 mm L - long - Mle 1878.

Adopté en décembre 1878, c'est un canon long, sur affût de siège et de place analogue à celui du 155 mm. A l'origine il tire trois types de projectiles de même nature que ceux de ses homologues et d'un poids de 18 à 20 kg, a portée maximale est de 8 200 m.

Ses sabots d'enrayage étant insuffisants pour modérer convenablement le recul, l'affût est muni d'un appareil portant le nom de "frein hydraulique modèle 1883".



120 L - Ce "cliché constructeur" montre précisément le frein hydraulique
et son ancrage de plate-forme.

D'un poids en ordre de tir sur son affût de 2 800 kg, son coût de l'époque est de 8 000 francs.

En position de route, le tube est ramené en position arrière sur la flèche de son affût, et la crosse assujettie à son avant-train hippomobile à 6 chevaux.

Canon de 155 mm L - long - Mle 1877.

Adopté en mars 1877, ce canon long de siège ou de place, pour lequel il est retenu qu'un affût de siège, est mis à l'étude un affût de place sur grand châssis. Celui-ci bientôt abandonné, l'affût de siège prend alors d'affût de siège et de place.



155 L - Ce "cliché constructeur" montre la pièce et ses "sabots d'enrayage".


Comme ses homologues il tire les trois même types d'obus, d'un poids d'une quarantaine de kilogrammes, jusqu'à 9 000 m.

D'un poids en ordre de tir de 5 700 kg, son coût de l'époque est de 17 800 francs.

En position de "tir à barbette", sur plate-forme et derrière un mur de gabions,
ce 155 L en sa configuration d'origine.
Son recul est alors arrêtés par des sabots d'enrayage en acier,
qu'au moment du tir l'on place en arrière des roues.
Empêchant lors du recul la pièce de "partir dans la nature", ils n'exonèrent pas les servants
d'une remise en batterie, longue, pénible, d'où la faible cadence de tir d'alors - HGBM n° 8
2.

En configuration de route, le tube est ramené en milieu-arrière de la flèche, et la crosse assujettie à son avant-train hippomobile à 10 chevaux.

Canon de 155 mm C - court - Mle 1881.

Adopté en 1881, ce canon de siège et de place est sur affût col de cygne à glissement .

Le recul est absorbé par son frottement sur la plate-forme et il est apte au tir vertical et au tir plongeant. Comme son nom l'indique, le tube est plus court que celui du 155 long - 2,40 m contre 4,20m. Il tire les mêmes projectiles mais sa portée maximale n'est que de 6 400m.

D'un poids en ordre de tir sur son affût et sans ses roues de 2 100 kg, son coût d'époque est de 7 300 francs.

Mortier rayé de 220 mm - Mle 1880.

Si l'ont dit ordinairement que le canon est long lorsqu'il dépasse une longueur de 20 calibres - exemple, 20 x 80 mm = 1 600 mm ; court au-dessous, les mortiers quant à eux, sont des canons spécialement organisés pour le tir vertical d'angle supérieur à 45°.



Source : A.A.M.A. - Draguignan.



De millésime 1880, cette bouche à feu destinée au tir sous grands angles a un tube beaucoup plus court que les canons de 120 et de 155. Son affût est un affût spécial dit à glissement sur plate-forme.




Le mortier de 220 pèse 2 000 Kilos ; l'affût pèse 2 400 kilos ; la chèvre peut soulever 10 000 kilos.




La pièce repose sur une plate-forme, le projectile pèse 98 kilos,
la charge de poudre est de 6 kilos.


A l'origine il ne tire qu'un seul obus ordinaire de poids 98 kg, sous angle de 44°, à 5 200 m, la cadence de tir ne dépassant guère celle d'un coup toutes les trois minutes.


La guerre de siège à la fin du XIXème siècle.
Batterie de 4 pièces sur ses emplacements de tir à plate-formes en bois - HGBM.

Son poids en ordre de tir est de 4 150 kg, et pour le transport, deux roues et une fausse flèche sont prévues, l'ensemble est réuni à un avant-train à contre-appui.

Mortier rayé de 270 mm de siège - Mle 1885 - M 270 S.

Sur affût à châssis et plate-forme modèle 1891, il présente dans son organisation d'ensemble de grandes analogies avec le mortier de 220 mm. D'un poids en ordre de tir de 10 800 kg, sa mise en batterie est une manœuvre de force comportant l'emploi de nombreux agrès, notamment la chèvre de place et une équipe de 11 hommes et 2 gradés. Si la cadence de tir ne dépasse pas un coup toutes les deux minutes, ce qui est d'ailleurs parfaitement suffisant pour le calibre, sa portée maximale est de 8000 m. En configuration de route, avec ses avant-trains, il nécessite trois voitures.


Cliché emblématique s'il en est, la masse imposante du "270 de Bange" est en évidence,
et si l'on appréhende ainsi mieux le calibre grâce à la culasse ouverte,
également à la tête de notre homme et son large béret - diamètre alors réglementaire de 345 mm. HGBM .

Artillerie de place.

C'est la même que celle de siège, moins le mortier de 270 mm.

Artillerie de côte.

Composée essentiellement de canons aux calibres de 190 à 320 mm et d'un mortier de 270 mm, il convient de la citer au titre des réalisations de Ragon de Bange.

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Des "batteries".

Le mot "batterie", pris dans son acception la plus générale, sert à désigner la réunion, sous un même commandement, d'un certain nombre de pièces, avec le matériel et le personnel nécessaire à leur service.

C'est pourquoi, la construction des batteries ainsi définies est-elle soumise à certaines règles selon qu'ils s'agissent de batteries mobiles, fixes :

les batteries de campagne, ouvrages de campagne, élevés pour un usage particulier, par l'artillerie d'une armée, sur les positions du champ de bataille,
les batteries de siège, ouvrages établis par l'artillerie d'une armée de siège, pour protéger son matériel et son personnel pendant la lutte contre l'artillerie de place, et pendant la démolition, par le tir, de la fortification attaquée,
les batteries de place, et de batteries de cote, emplacement réservés, dans les divers ouvrages de la fortification permanente, à l'artillerie qui doit concourir à sa défense.



Croquis de la disposition générale d'un emplacement de batterie surélevée,
à ciel ouvert, avec parapet, traverses abri, pare-éclats, rampe d'accès.


Si les trois grandes divisions ci-dessus servent à classer les batteries suivant les circonstances générales de leur établissement, elles se distinguent les unes des autres :

selon l'espèce de bouches à feu dont elles sont armées ; batteries de canons, batteries de mortiers,

selon la disposition générale et leur mode de construction :

- batteries à barbettes, lorsque les pièces tirent par le dessus de la masse couvrante,



Pièce de 155 L tirant "à barbette", derrière et par dessus l'épaulement,
ici avec "fascines" sur le haut.

- batteries à embrasures, lorsque les pièces tirent des embrasures, ouvertures pratiquées dans la masse couvrante,
- batteries à ciel ouvert, lorsque les pièces tirent à découvert,
- batteries blindées, c'est à dire protégées contre les feux de l'artillerie par un solide plafond recouvert d'une épaisse couche de terre appelée blindages - batteries casematées ; batteries cuirassées, dans lesquelles la masse couvrante est faite ou recouverte d'épaisses plaques d'acier, de coupoles métalliques.

selon la forme de l'assiette du tracé :

- batteries à redans, quant la crête est brisée suivant plusieurs lignes droites formant entre elles des angles rentrants et saillants,
- batteries à ressauts, lorsque les pièces sont installées à des niveaux différents - c'est le cas de celles du fort Saint Eynard, dont les "levées" sont de 31,35 ; 32,35 et 33,35.

selon le genre de tir auquel elles sont destinées :

- batteries de plein fouet, lorsque les pièces tirent à la plus forte charge qu'elles comportent,
- batteries de tir plongeant, lorsque pour obtenir des trajectoires moins tendues, et fouiller derrière les parapets de l'ennemi, les charges sont réduites
- batteries de tir vertical, quand les pièces font usage du tir vertical pour tirer par dessus des masques élevés, en montagne par exemple.

Suivant la direction générale du tir dans le plan horizontal :

- batteries directes, lorsque les lignes de tir des pièces sont à peu prés perpendiculaires au front du but,
- batteries d'enfilade, lorsque, au contraire, les lignes de tir sont sensiblement parallèles à ce front,
- batteries d'écharpe, celles dont les lignes de tir ont une direction intermédiaire entre les deux précédentes,
- batteries à revers, établies de manière à frapper le but par derrière,
- batteries à démonter, celles dont le tir est dirigé directement sur le matériel de l'artillerie ennemie, les créneaux, les embrasures,
- batteries de démolition, chargées de détruire les escarpes mal vues, les casemates, les édifices, les postes, les réduits et flanquement de l'ennemi,
- batteries de rupture, ayant pour mission spéciale de percer et de détruire un cuirassement métallique,
- batteries de brèche, destinées à ouvrir avec une certaine régularité les fortifications pour donner passage aux colonnes d'assaut,
- les "contre-batteries", batteries à démonter particulières, spécialement dirigées sur l'artillerie adverse en train de tirer sur la position, les défenses de la place qui pourraient gêner le tir des batteries de brèche,
- batteries de bombardement, dont le nom évoque suffisamment l'effet à produire.

Suivant la situation par rapport aux travaux de l'attaque dans un siège régulier :

- batteries de première position, ou de première période, construites après l'établissement des lignes d'investissements à 2 000 ou 3 000 mètres des saillants les plus avancés de la place,
- batteries de deuxième position, de deuxième période, ou d'approche, installées dans la première parallèle ou dans son voisinage,
- batteries de couronnement, établies dans le couronnement du chemin couvert

Suivant le temps nécessaire à leur construction :

- Batteries rapides, organisées dans le temps le plus court possible,
- Batteries de 24 heures, batteries de 12 heures, expressions servant à désigner des types de batteries dont l'achèvement exige deux nuits ou une seule nuit de travail.

Si une batterie fixe, définie comme ci-avant, peut présenter des dispositions de détail assez variées, elle oblige toutefois à trois parties essentielles :

- le terre-plein, emplacement occupé par les pièces et le personnel destiné à les servir, il peut-être au-dessous du sol naturel, les batteries sont dites enfoncées sur le sol, permettant ainsi de pouvoir retirer rapidement les pièces de derrière l'épaulement elles sont dites batteries sur le sol - enfin au-dessus du sol dans les batteries de place ou l'on cherche à dominer autant que possible le terrain en avant, les batteries de ce genre portent alors le nom de batteries surélevées.



Batterie de 155 Long. La pièce du milieu va faire feu ;
le chef de pièce abaisse le bras pour donner le signal de la mise à feu.

Si la longueur du terre-plein varie habituellement de 10 à 12 gabions - de 5,60 à 6,72 mètres - sa longueur, dictée par le recul des affûts impose un minimum de 6,00 mètres pour les pièces de campagne et autres mortiers lisses, et de 7 à 8 mètres pour les canons de siège, de place, et les mortiers rayés.

Son niveau, c'est à dire sa hauteur au dessus de la crête de la masse couvrante est tel que le personnel circulant sur ce terre-plein reçoive de l'épaulement une protection efficace. On lui donne en conséquence une hauteur de 2,30 m. à 2,40 m. depuis le pieds du talus. Celle de 2,15 m. des épaulements du fort Saint Eynard permet ainsi le "tir négatif" qu'exige la fortification d'altitude.

- la masse couvrante, placée en avant du terre-plein, destinée à protéger les pièces et le personnel contre les coups de l'artillerie ennemie est ordinairement constituée par une masse de terre portant comme nom, épaulement.

- les dépôts de projectiles et les magasins à poudre. Pour éviter le va-et-vient, à la fois dangereux et fatiguant, des pourvoyeurs, on organise de petits dépôts de projectiles dans des excavations pratiquées dans le talus intérieur du terre-plein. De même l'approvisionnement immédiat des batteries fixes en charges et projectiles est conservé à proximité des bouches à feu, dans des abris portant le nom de magasin à poudre.

Ainsi les batteries du fort Saint Eynard sont-elles organisées comme batteries de place ; de canons ; à redans ; à ressauts ; pour le tir direct ; négatif ; et "à barbette".
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De l'accès aux "plates-formes surélevées".



"Armer une batterie est une opération qui consiste à amener la pièce sur les plates-formes
en les faisant monter par des rampes d'armement construites en arrière
de l'emplacement de chaque pièce, ici un 155 long.

Lors des premiers projets Séré de Rivières, lorsque la configuration le permet, il est fait usage d'agencements devanciers que sont les "rampes 2/3",


Rampes d'accès ou d'armement aux batteries surélevées successives du fort de Vinadio.


Sur cet accès, encore visible de nos jours au fort de l'Infernet, ouvrage briançonnais
Séré de Rivières d'altitude situé à 2 337 m., distingue-t-on au centre les escaliers,
puis latéralement et pour pouvoir hisser les pièces aux emplacements de batterie,
les deux rampes sur lesquelles roulaient les roues de l'affût ;
enfin, scellé dans le mur, l'un des anneaux forgés permettant
d'assujettir palans et apparaux de hissage.

 

De l'accès particulier aux "plates-formes" du Saint Eynard.

Pour des études d'avant-projet commencées en 1872, le fort du Saint Eynard et achevé en octobre 1879.

Hors le canon de place de 155 du colonel Ragon de Bange, quant à lui adopté en 1877 -pendant la période d'adaptation du système Séré de Rivières au système de Bange - possède alors une longueur de recul non compatible avec les plates-formes projetées ou réalisées, c'est pourquoi, pour en allonger la longueur se doit-on de supprimer les pentes 2/3 et de les remplacer par des murs que seuls des escaliers gravissent ; désagrément de cette disposition, l'obligation désormais faite d'utiliser les "chèvres de place" pour y hisser les pièces.



Plan d'époque de la coupe d'un emplacement de batterie sur le cavalier,
le premier vers le porte d'entrée. L'on distingue ainsi la "masse couvrante",
l'épaulement de 2,15 m., l'escalier et le mur permettant l'allongement de la plate-forme.
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Des plates-formes.

Pour la précision du tir et la facilité du service, les roues des pièces en batteries doivent être à la même hauteur et reposer sur un terrain ferme et uni ; c'est pourquoi on dispose sur les terres-pleins des espèces de planchers appelés "plates-formes".


Croquis d'un 120 long sur sa plate-forme, équipé de coins de retour en batterie,
de glissière de crosse, d'un frein hydraulique.

Les plates-formes de siège et de place sont globalement identiques.


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Plates-formes de siège, modèles 1840 et 1880, réglementaires pour les canons
de 120, 138, 155, millimètres sur affûts de siège, et 24 de place sur affût approprié.

Le canon et l'affût rigide étant solidaires, le principal inconvénient est le violent recul au départ du coup. Il s'ensuit un dépointage qui oblige les servants à remettre la pièce en position initiale, puis à la repointer avant de pouvoir tirer l'obus suivant. Ces opérations expliquent la faible cadence de tir, au mieux de 1,5 à 2 coups / minute pour les grosses pièces.
Ainsi initialement, les affûts des canons de 120 et de 155 qui nous intéressent sont-ils équipés de sabots et chaînes dits d'enrayage.


Plan de l'époque sur lequel l'on distingue nettement le dispositif d'enrayage.

 

Les "Cingolis".

Ceinture en italien, son inventeur est le major Bonagente. Formées de plateaux composites en bois et en fer, ces ceintures enveloppent les roues qui reposent alors sur le sol non plus sur de simples cercles, mais par une surface beaucoup plus grande; elles absorbent également une partie du recul, les roues tournant "à frottement" dans leur ceinture.

Croquis d'un plateau et d'un segment. La ceinture alors constituée par un assemblagede 10 à 12 segments et d'un nombre égal de plateaux, pèse sensiblement 300 kg.

Diminuant de ce fait la pression au sol et par corollaire l'enfoncement de la pièce, elles permettent la suppression de l'impedimenta qu'est la plate-forme en position de tir, difficile à transporter, longue à construire, facilitent les déplacements en terrain varié, et autorisent l'utilisation des pièces ainsi appareillées dans la guerre de campagne.

Coins de retour en batterie et glissière de crosse.

Le retour de la pièce en position, la récupération, est alors le fait de coins de retour en batterie, plans inclinés en bois sur lesquels montent les roues au moment du recul, le retour en batterie est assuré par gravité. On ajoute généralement à ce système une glissière de crosse, qui freinant sur le sol par frottement, ralentit le recul et amortit le retour en batterie de la pièce.



Croquis montrant "Cingolis", glissière de crosse et coins de retour en batterie.



Pièce de 120 L - configuration d'artillerie de campagne, avec "Cingolis" et coins de retour en batterie

Le lien élastique, la plate-forme à pivot démontable.

Pour ces mêmes pièces, et modérer convenablement le recul dans le tir aux fortes charges, le dispositif d'enrayage à sabots et chaînes est insuffisant, l'on étudie et l'on adopte le premier lien élastique, celui hydraulique - Mle 1883 - qui étudié et construit par la Compagnie de Saint Chamond, interposé entre l'affût et un pivot vertical solidaire de la plate-forme, laisse ainsi la possibilité de pointer en direction, et le limite à moins d'un mètre.



1900 - si l'on excepte la qualité du cliché - Mont Dauphin, détail du frein hydraulique de plate-forme.


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Permettant la mise en oeuvre de ce 'lien élastique", la plate-forme de siège à pivot démontable,modèle 1883, et le frein hydraulique de même millésime.

Le lien élastique est avec le chargement par la culasse, les inventions
majeures qui conduisent directement à l'artillerie moderne.

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Des accessoires.

Pour les mouvements des diverses parties du matériel, l'artillerie fait alors usage de machines portant le nom de chèvres, de crics, de cabestans…, et de divers autres attirails qui font réglementairement partie du matériel d'artillerie de place.



On équipe la chèvre de haubans pour enlever le fardeau quand il y a une grande différence de niveau entre le point ou est déposé le fardeau et celui ou on veut l'amener.
Deux haubans ou prolonges, maintiennent la chèvre inclinée du coté du fardeau ; un contre - hauban l'empêche de se renverser sur les servants ; haubans et le contre - hauban sont amarrés à des piquets. Douze servants pour le moins suffisent pour dresser la chèvre ; six la soulèvent et la dressent, les autres aident à la manœuvre en agissant aux haubans et au contre - hauban.

La chèvre de tranchée.

Spécialement destinée à l'armement et au désarmement des batteries de siège, d'une hauteur assez faible pour que l'épaulement derrière lequel elle doit être mise en action la dérobe complètement aux vues de l'ennemi.



La chèvre à déclic, modèle 1840.

D'hanches en sapin assemblées entre-elles par des épars et boulons, équipée d'un treuil à chaîne manœuvré à la main, un cliquet empêche son retour en sens inverse. Placée ainsi au-dessus de la pièce à soulever, dans la pratique chaque brin peut supporter la charge de 1 500 kilogrammes, équipée à trois brins, elle soulève ainsi une charge de 4 500 kilogrammes.



La chèvre de place n° 1, modèle 1875.

Composée comme la précédente d'un pied et de deux hanches assemblés par quatre épars, le treuil est remplacé par un appareil indépendant de cette charpente appelé "Monte-charge à barbotin".

La chèvre peut être équipée à deux, trois ou quatre brins de chaîne. Dans la pratique, chaque brin ne doit pas supporter plus de 2 500 kilogrammes, ainsi équipée à quatre brins soulève-t-elle exceptionnellement un poids de 10 000 kilogrammes.



La chèvre de place n° 2, modèle 1875.

Etablie dans les mêmes principes que la précédente, équipée à deux, trois ou quatre brins de chaîne, dans la pratique, chaque brin ne doit pas supporter plus de 4 000 kilogrammes, ainsi équipée à quatre brins soulève-t-elle exceptionnellement un poids de 16 000 kilogrammes.



La chèvre de place n° 3, modèle 1875.

Pour l'élévation de plus lourds fardeaux - canons de 27 et de 32 - l'on emploie alors une chèvre encore plus puissante, dite "chèvre n° 3", qui équipée à six brins peut alors soulever jusqu'à 30 tonnes. Deux hommes suffisent avec cet engin pour lever une pièce de 270 modèle 1870, qui pèse 23 tonnes.

La chèvre en tôle d'acier.

Par la suite, principalement dans le service des cotes, l'on emploie une chèvre en tôle d'acier, empruntée au matériel de l'artillerie de marine, qui construite alors par l'industrie privée, est analogue aux chèvres du modèle 1840, et organisée de manière à soulever de très lourds fardeaux.



Cabestan de carrier.

Pour mouvoir horizontalement, ou sur des plans inclinés, les lourds fardeaux dont les chèvres ci-avant permettent les mouvements verticaux, on adopte un nouvel engin, depuis longtemps en service dans la marine, portant le nom de cabestan de carrier. Utilisant les mêmes agrès que la chèvre de place n° 1, il permet de mouvoir des fardeaux de 14 000 kilogrammes, lorsqu'il est équipé à quatre brins.

Attirails divers.

Complétant cette longue énumération, il convient de citer, les brouettes, dont on se sert pour les mouvements intérieurs dans les places ; les civières, employées pour le transport à de petites distances des projectiles qui demandent à être maniées avec précautions ; les chevrettes, sorte de petites chèvres de tranchée, qui servent à soulever les essieux et graisser les roues ; les diables à deux roues de chèvre de place ; les diables à roulettes, pour canons-revolvers : les palans et les vindas, qui font plus spécialement partie du matériel des pontonniers.

Les appareils de pointage.

De 1886 à 1892, les perfectionnements des systèmes de pointage permettent des avancées significatives dans la précision des pièces. C'est ainsi qu'apparaissent pour le pointage en hauteur des appareils de hausse plus perfectionnés et plus précis. En 1888 le niveau à bulle Danion, du nom de son inventeur, remplace le niveau de Bange et le goniomètre à tour complet d'horizon et son collimateur offrent aux artilleurs la possibilité de tirer sur des objectifs non visibles.

Corollairement de nouveaux procédés de tir et de pointage voient le jour avec l'adoption de planchettes de tir, de réglettes et d'abaques, d'instruments d'observation, de triangle de visée, de lunettes stéréoscopiques, de télémètres…

celui composé d'une lunette et d'une boussole de batterie réunis entre-elles, nommé du nom de son inventeur, colonel du génie, le télémètre Goulier,
celui éponyme, inventé par un chef d'escadron d'artillerie, le télémètre Gaulier,
et enfin, celui d'une grande simplicité, inventé par un major de l'artillerie belge, le télémètre "Le Boulangé",

Le téléphone vient également renforcer cet arsenal technologique en permettant de dissocier les observateurs des pièces et ce faisant de fournir plus rapidement des feux plus efficaces aux troupes menant l'assaut.

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Incontestablement l'artillerie française doit beaucoup à ces intelligences brillantes et ces techniciens géniaux de la période de reconstruction de l'armée française après la cruelle défaite de 1870. Toute la conception de l'artillerie moderne est à mettre au crédit de ces officiers d'artillerie qui sont à l'origine des principales révolutions du matériel :
Le tube en acier, trempé et recuit, pour la résistance,
Les rayures de l'âme pour la précision,
le chargement par la culasse et le lien élastique pour la précision, et la cadence de tir.

Le matériel d'artillerie d'aujourd'hui n'a connu que des améliorations technologiques , le colonel d'artillerie Ragon de Bange est vraiment une des grandes figures de son Arme.

 

 
Dossier mis en forme par Serge Pivot