Ou selon le décret du 21 janvier 1887, du général Georges Ernest
Jean Marie Boulanger, dit "Général Boulanger", qui voulait que l'on rebaptise chaque ouvrage militaire du nom d'une gloire militaire, si possible locale,
"Fort Aubert MONTEYNARD".


Dernier de la série des forts protégeant l'agglomération grenobloise, le fort de Comboire et ses batteries inférieures a été construit plus tardivement.

Les études préalables à son édification, sur un promontoire dominant le Drac à une altitude de 515 m situé sur la commune de Claix, commencèrent en mai 1881, furent particulièrement rapides, puisque le projet définitif fut approuvé en août de cette même année 1881. Il est vrai qu'entre les études préalables à la construction des forts de Grenoble préconisée par le colonel Cosseron de Villenoisy, celui-ci devenu général avait succédé au général Séré de Rivières.

Le site de la construction du fort - sur un terrain de 8 845 m² pour la quasi totalité, situé sur la commune de Claix, une partie de la route d'accès se trouvant elle sur celle de Seyssins - fut acheté pour la somme de 20 000 F.

Il est à noter que le sous-sol des terrains proches et environnant l'emprise du fort recèle de nombreuses galeries d'où étaient extraites les pierres calcaires nécessaires à la fabrication du ciment artificiel. Ces galeries, primitivement exploitées par la Société Meurgey-Porteret-Guingat, puis Vicat, furent complétées par une usine de fabrication de ciment qui facilitât sans doute, lors de la construction du fort, la réalisation de quelques ouvrages en ciment ou de nombreuses parties d'ouvrages en pièces préfabriquées de ciment moulé.

Enfin mentionnons encore, que bien avant la construction du fort, Stendhal connaissait et appréciait ce site - proche d'une propriété appartenant à son grand-père - sur lequel il venait se promener et chasser.

Les travaux de construction du fort commencèrent en mai 1882 pour se terminer 3 ans plus tard, en mai 1885. Ils coûtèrent 1 200 000 F et permirent l'édification d'un ensemble fortifié comprenant, les bâtiments du fort d'une surface hors-oeuvre de 2 950 m² pour, en raison de la construction de plusieurs niveaux, une surface utile de 4 350 m², et au dehors des fossés, à l'Est du front de tête, de quelques ouvrages constituant les batteries basses.

Le fort présente l'aspect d'un bâtiment allongé , Nord-Est/ Sud-Ouest, rythmé par une série d'arcades sur deux niveaux, dont l'élément principal constitue un unique ouvrage divisé en 3 parties dénommées "bâtiments" surmontés par d'importantes traverses-abris. L'ensemble étant entouré de profonds et larges fossés avec murs d'escarpe, servant de chemin de ronde, et de contrescarpes surmontées d'un chemin couvert avec rampe d'infanterie, qui étaient flanqués par 4 larges caponnières.

Les bâtiments "a" et "b" formant l'élément principal sont constitués d'un rez-de-chaussée et d'un étage, construits en pierres calcaires, selon une modelature séparée par d'imposants murs de refend, tramée de 6 m de large, de 17 m de long pour le bâtiment "a" et de 9 m pour le bâtiment "b", alors qu'elle est carrée de 6 x 6 pour le magasin du bâtiment "c" et que les 2 poudrières ont une trame inversée de 14 m de long. Cette structure est desservie à l'arrière contre les terres de protection par un couloir qui parcourt l'ensemble du bâtiment.

La structure du fort est édifiée en général en pierre calcaire revêtue d'enduit au mortier de ciment bâtard, alors que les arcs de voûtes ou les murs de refend sont soulignés en façade par des appareils de très haute tenue en pierre de Sassenage ou en fausses pierres de ciment moulé de couleur grise. Le mur d'acrotère, surmonté d'un couronnement avec cordon reposant sur des corbeaux, est en ciment moulé. De même que sont en ciment les deux escaliers extérieurs, dont les murs d'échiffre ne sont pas sans rappeler les harmonieuses courbes de l'escalier de la caserne Rochambeau à Montdauphin.

Façade du bâtiment "a" occupé par des chambres- troupe à l'étage et des magasins au rez-de-chaussée
Au-dessus de la forêt, vue générale de la façade du bâtiment principal du fort.
 


Les planchers haut du rez-de-chaussée et de l'étage sont en voûtes, à plein cintre à segments d'arcs raccourcis, construites à l'aide de briques pleines de terre cuite pour le rez-de-chaussée et en pierres calcaire liées au ciment pour l'étage, ils prennent appui latéralement sur les murs de refend. Sur ces voûtes ont été édifiées trois traverse-abris elles-mêmes construites à l'épreuve. Les voûtes sont étanchées par forme en ciment avec chape d'asphalte, et des pentes dirigent les eaux d'infiltration vers des exutoires communiquant avec des tuyaux de descente intérieurs, permettant de regrouper les eaux par des conduits, vers la citerne extérieure d'une contenance de 320m3.

Les ouvertures sont marquées en façade par des encadrements, piédroits, et linteaux, à segments d'arcs raccourcis en ciment moulé, et obturées par des menuiseries comportant une porte centrale à deux vantaux pleins encadrés de deux fenêtres à petits bois ouvrant à la française. Les portes étaient surmontées d'un châssis ouvrant alors que les fenêtres étaient surmontées de châssis dormant. Ces menuiseries étaient revêtues d'une peinture de couleur grise fortement bleutée.

L'ensemble des superstructures est recouvert par des terres de protection d'où émergent les conduits de cheminées des cuisines et de la boulangerie, et de ventilation, des chambres, magasins, traverses, et reconnaissables à leur protection par clins métalliques, celles des poudrières et des ateliers de préparation de munitions.

Le bâtiment "a", ouvrage central, est plus spécialement réservé à l'étage, au logement de la troupe par chambres de 44 en temps de paix et 50 en période de crise. On notera qu'au dessus de chaque espace de lit une ouverture obturée par une grille permet d'assurer un chauffage par air chaud, provenant d'un poêle, dont les conduits d'évacuations des fumées vont, après avoir longé les murs de la chambre, déboucher du cote opposé dans des cheminées qui traversent des terres de protection et qui sont protégées par des couvertines métalliques cintrées. Le rez-de-chaussée abrite la cuisine des soldats, la boulangerie et le four à pain permettant de cuire les rations nécessaires. Il comprend également des magasins à vivres et quelques autres destinés au matériel.

Le rez-de-chaussée du bâtiment "b" abrite le corps de garde et la salle de police, le mess des officiers et sa cuisine, des magasins pour linges sales et propres, mais aussi l'infirmerie avec ses locaux annexes : pharmacie, tisanerie et surtout, chose unique sur les forts de Grenoble : une salle de visite pour le médecin et une salle d'opération. L'étage de ce bâtiment qui constitue une sorte de P.C.et comprend : le bureau du télégraphe, le bureau du commandant du fort, les chambres d'officiers et une infirmerie qui leur est réservée.


A gauche, vue générale du bâtiment principal depuis la rampe d'accès de l'artillerie
aux emplacements de tirs, à droite, façade du bâtiment "b" destiné au corps de garde
et aux officiers . Au rez-de-chaussée se trouvait une infirmerie avec salle d'opération.


Le bâtiment "c" - simple rez-de-chaussée - construit de la même manière que les deux précédents est plus spécialement destiné aux magasins du génie et de l'artillerie. Il abrite également les poudrières que l'on devinent par l'absence d'ouverture sur la façade de pierres d'un appareil particulièrement soigné. Et qui en 1999 malgré toutes les dégradations dont elles ont été l'objet conservent en partie des vestiges de leur deuxième plancher bois d'origine; ainsi que les magasins à munitions et une réserve d'eau.

Quant au bâtiment "d", si on peut parler de bâtiment, il est enterré en bordure de l'escarpe, et est accessible depuis l'intérieur par un long couloir construit sous les terres de protection, il est occupé par des magasins et par les latrines destinées aux officiers et à la troupe. Les nombreuses ventilations débouchent à l'extérieur à proximité de l'une des entrées d'une galerie d'escarpe.

Façade du bâtiment "c": poudrière et magasins d'artillerie.

Mur d'escarpe sud-est du front de tête. A remarquer, les meurtrières et embrasures
de tirs et de grenadage, entourées d'éléments de ciment moulé préfabriqué.


La porte encadrée par deux caponnières qui assurent une défense frontale et flanquante, a été traitée avec grand soin et, comme pour le fort du Mûrier, est surmontée de motifs décoratifs moyenâgeux, tel un faux crénelage malgré tout d'un bel effet. Elle était précédée d'un pont-levis à bascule fonctionnant à l'aide de contrepoids , enterré avec leur mécanisme latéralement des deux côtés de la porte.

Vue générale de la caponnière flanquant la partie droite de la porte d'entrée et le fossé du front de gorge.


L' armement du fort comprenait :

5 canons de 155,
4 canons de 7,
et 4 de 12 de campagne, qui prenaient place entre les traverses-abris supérieures ou sur des emplacements de batteries aménagées, hors de la contrescarpe, au sommet du rocher vers le Sud-Est et l'Ouest des falaises surplombant le Drac.

Quant à la défense rapprochée, elle pouvait être opérante pour les fossés à partir de 4 caponnières dont 2 à terrasse. La très vaste caponnière centrale sur l'axe médian du fort qui flanque les deux côtés du fossé Est, à laquelle on accède par un long tunnel, est construite en voûte à l'épreuve en pierres calcaire.
Cette caponnière est prolongée de part et d'autre, avant la jonction avec le mur de ronde, par des galeries d'escarpe. Les murs de la caponnière et des galeries d'escarpe sont ouverts par des embrasures de tirs pour mitrailleuses, de meurtrières pour fusils et par des trémies de grenadage de pied.

La caponnière qui flanque la gauche de l'entrée couvre également un espace latéral et comporte les mêmes ouvertures. Les murs des caponnières à terrasse, dont l'une située à droite de l'entrée et l'autre à l'angle Sud-Est du fort sont également ouverts par les mêmes trémies de défense.

Enfin l'ensemble était complété par un mur de ronde avec meurtrières, dont les appuis, les linteaux, les piédroits sont en ciment moulé, et derrière lequel pouvaient prendre place des soldats armés de fusils.

Dès la fin de sa construction, comme les autres forts de la place, cet ouvrage sera affecté à l'artillerie de la 14ème division militaire et sa garnison comptera, selon les lits prévus, 308 hommes de troupe, 42 caporaux ou sous-officiers et 5 officiers.

Le fort restera ainsi en l'état jusqu'à la guerre de 1914 où sa garnison et son armement ira renforcer le front du Nord-Est, ne laissant sur le site qu'une garnison de gardiennage réduite à quelques unités. Puis après la guerre, il ne servit plus que de dépôt de matériels ou de munitions.

Plan des ouvrages

Photographies suivant sensiblement le même axe des vues aériennes du fort de Comboire,
prises à 10 ans d'intervalle (1986 / 1996), montrent les dégradations occasionnées par l'absence
de projet. Sur la photo du haut, le fort est encore en l'état voulu par les concepteurs.
Sur celle du bas, les terres de protection à droite sont en parties détruites pour permettre d'agrandir
le chemin de ronde et faciliter le passage des camions amenant des gravats et des ordures qui servent
à combler les fossés. Alors que la traverse-abri centrale est bordée, sur sa droite,
par un chemin créé par le passage des motos tout terrain.

La guerre de 1939 aurait pu le faire participer au système défensif alpin, mais les hostilités se déroulèrent dans d'autres secteurs et, après l'armistice, il fut occupé par les troupes italiennes jusqu'en 1943 où les troupes allemandes prirent ensuite leur place.

A la libération il retournera à sa destination, puis en 1971 il sera affecté au service du matériel et classé dépôt de munitions. Sa protection sera assurée par un sous-officier et 8 hommes du rang, alors que son entretien occupait un sous-officier , chef de dépôt, et 5 ouvriers civils sous les ordres d'un capitaine et d'un technicien civil, chef de travaux du service du matériel. Il sera parfaitement entretenu jusqu'en 1984 où il fut vendu aux communes de Claix et de Seyssins, sur lesquelles il avait été édifié.

L'importante traverse-abri située au sommet de la rampe d'artillerie.
Surmontée d'éléments décoratifs que l'on retrouve sur la plupart des ouvrages de cette période,
la porte d'entrée est encadrée de part et d'autre par des meurtrières et embrasures
de tirs qui flanquent directement le pont-levis.

Depuis lors il fut le siège, de manière intermittente, de diverses activités plus ou moins légalisées, telle une sorte de centre équestre. Puis d'abandon en abandon, sans projet, avalisé par les instances locales qui utilisent les fossés comme lieux de décharge ou de dépôt de remblai, le fossé du front de tête a été comblé sur une hauteur d'au moins 4 m, masquant ainsi des ouvrages remarquables tel le mur à la Carnot surplombant le fossé Ouest, il deviendra le lieu de rencontre de bandes peu ou prou délictueuses et sera vandalisé.

En 1998, sous l'impulsion de MM. Nieloux et Pichot, et le regard intéressé de la municipalité de Claix, une association présidée par un élu voit le jour et se fixe pour objectif la réhabilitation de cet ouvrage. Arès la mise en place d'un gardiennage permanent quelques projets pourraient alors voir le jour ? C'est ainsi que sont envisagés la création d'une salle d'information sur le fort et peut-être sur Stendhal - un chemin Stendhal est à proximité -. Mais aussi, et surtout, une amorce du musée du ciment : de l'or gris de Grenoble de la fin du XIXème siècle aux réalisations les plus contemporaines. Tous ces projets parfaitement réalisables permettraient à cet ouvrage parfaitement remarquable - dont malgré les apparences l'état général à la veille de ce troisième millénaire n'est pas des plus mauvais - de retrouver une activité digne de ses premiers constructeurs.

Malheureusement la maladie puis le décès de Guy Nièloux interrompirent ces projets qui resteront sans doute pour longtemps sans mentor pour les mener à bien.

  Jean Azeau.

 
 

 
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