L'acier,
la rayure, la culasse, l'obus.
Aspects
de l'artillerie au XIX ème Siècle.
"Charnière
technologique" pour
l'artillerie, ses matériels, ses munitions, son organisation…,
le XIXème siècle foisonne, regorge d'idées
et de progrès majeurs.
L'on
passe ainsi de la métallurgie du bronze à
celle de la fonte puis de l'acier, des âmes lisses
aux tubes rayés, du chargement par la bouche à
celui par la culasse, du boulet à l'obus allongé,
de la poudre noire à l'explosif, à la poudre
à fulmicoton, de la mèche à la fusée
de durée fixe, puis à temps…, les performances
sont multipliées par cinq ou six, l'efficacité
des projectiles décuplée, la précision
augmentée...
Corollairement,
cela induit des changements radicaux dans l'organisation
des unités, des missions, des méthodes de
tir.
Au
terme d'une longue et lente évolution, le milieux
de ce siècle voit ainsi s'éteindre le règne
de l'artillerie en bronze lisse et, pendant sa seconde
moitié s'achever la mise au point des matériels
à tir rapide que nous utiliserons massivement lors
des conflits du siècle suivant.
De
l'Artillerie en bronze et "âme lisse".
Les
armées de la Révolution et de l'Empire héritent
des systèmes d'artillerie en "bronze et
à âme lisse", mis au point sous
l'ancien régime, que sont d'une part le "Système
Vallières" qui par ordonnance de 1732
normalise les bouches à feux dans l'artillerie royale
et d'autre part celui du Général Jean Baptiste
Vaquette de Gribeauval - 1715 / 1789 - premier inspecteur
de l'artillerie en 1776, dénommé le "Système
Gribeauval".
A cette
époque, l'arme de l'artillerie est le projectile.
Il prend principalement et successivement la forme du "boulet",
lancé sur une trajectoire tendue par le canon et
de la "bombe", projectile sphérique
et creux, rempli de poudre noire, mis à feu par une
fusée, lancé sur une trajectoire courbe par
un mortier.
Cette
artillerie, puissante, bien organisée, entre en campagne
avec les armées de la Révolution et de l'Empire
et y fait merveille.
Le 27
avril 1792 est crée l'Artillerie à cheval,
mais le 3 janvier 1800, les charretiers civils qui attellent
les canons, peu disposés à affronter les dangers
du champ de bataille sont remplacés par le "Train
d'Artillerie" et les attelages deviennent militaires.
En 1822,
le Général Sylvain, Charles, Comte de Valée,
nouvel inspecteur de l'Artillerie, lance l'étude
d'une réorganisation de la composition des unités
et des matériels en service. Elle aboutit en 1828
à la mise au point et à l'adoption d'un "système
d'artillerie" connu sous les vocables de "Système
Valée" ou "Système
de 1827" dans lequel :
- l'essentiel des bouches à feux du "Système
Gribeauval" est conservé,
- les "boulets", désormais associés
à un sabot en bois - ensabotage - et à
la charge propulsive, forment alors la "cartouche".
Cet ensabotage autorise ainsi le chargement au "refouloir"
tout en maintenant la "fusée" vers
la bouche,
- les "avant-trains" des voitures Gribeauval
à "contre-appuis", qui manquent
de souplesse, sont remplacés par un attelage à
"suspension". Ainsi libéré de
sa "cheville-ouvrière" le dessus
de l'avant-train reçoit un coffre à munitions
qui augmente l'adhérence et permet le transport des
canonniers servants qui dans le système Gribeauval
se déplaçaient à pieds derrière
leurs voitures.
Ce système,
dans lequel l'on relève l'un de notre premier canon
de montagne, l'obusier de 12 cm Mle 1828 à obus "encartouché"
- calibre de 121 mm, décomposable en deux fardeaux,
transportable sur bâts de mulets, portée maximale
de 1 200 m, campagne d'Algérie - règne
sur l'artillerie jusqu'à la seconde république
mais, vers 1860, cette artillerie en atteint son apogée.
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1855
- L'artillerie de montagne en Algèrie, équipée
de l'obusier de 12 cm.
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De
l'Artillerie en bronze, rayée.
L'usage
d'armes portatives "rayées" semble
remonter au XVII ème siècle, elles arment
alors les "carabins", cavaliers chargés
de la protection des chefs, des quartiers ou des troupes
en retraite et se nomment "carabines".
Pour
l'artillerie française, si de premiers projets datent
de 1832, l'étude de "bouches à feux
rayées" est réellement entreprise
vers 1844. Elle implique majoritairement la révision
de la panoplie des munitions, supprime le boulet, le projectile
de base devient l'obus oblong, en fonte, à
ailettes en zinc, avec charge d'éclatement de poudre
noire et éclatement provoqué par une fusée
à deux durées.
Parallèlement
à cela, en 1847, débute l'étude du
chargement des pièces par la culasse. Si dés
le début elle se heurte au problème de l'étanchéité
de l'obturation de la chambre au départ du coup,
elle aboutie en 1860 sur la "culasse à
vis", mise au point pour l'artillerie navale
par Treuille de Beaulieu.
En 1859,
lors de la campagne d'Italie, le canon de 4 rayé
de montagne - calibre de 86,5 mm, décomposable en
deux fardeaux, portée maximale de 2 700m - remplace
l'obusier de montagne de 12 cm Mle 1828.
A la
veille de la guerre franco-prussienne, si le Comité
de l'artillerie n'a pu adopter l'acier pour la réalisation
des bouches à feu, il n'en est pas de même
pour les affûts, mais les études et les progrès
de l'industrie sont en mesure de faire basculer l'artillerie
française de la métallurgie du bronze vers
celle de l'acier, du chargement par la bouche vers la culasse.
Ainsi se termine le règne du bronze.
De
l'Artillerie en acier et du chargement par la culasse.
En 1870,
l'artillerie française qui entre en campagne avec
ses bouches à feux, rayées pour la plupart,
à chargement par la bouche, s'oppose à celle
prussienne équipée pour sa part, en grande
partie, de bouches à feux en acier à chargement
par la culasse, dominant de ce fait, à même
calibre, son adversaire dans le domaine des portées
utiles et des fusées .
Pour
la France, cette guerre s'achève sur une cuisante
défaite qui discrédite entre autre le système
fortifié élaboré à grand frais
sous la restauration. La menace du nouvel Empire Allemand
auquel s'ajoute l'hostilité du jeune Royaume d'Italie
qui se rapproche des Empires Centraux est toujours présente.
Pour
les Gouvernements de l'Assemblée Nationale puis de
la République, il est urgent de réorganiser
et de moderniser la défense du pays. Ce sera une
œuvre gigantesque, coûteuse, menée à
bien à la fin du siècle. Elle porte sur l'armée
de campagne, mais aussi sur l'adoption d'un nouveau système
fortifié le "Seré de Rivières"
et la trentaine d'années qui séparent la guerre
franco-prussienne de la fin du siècle sera extraordinairement
riche en progrès de toutes natures
Pour
l'artillerie, si des solutions transitoires comme les systèmes
"de Reffye" et "Lahitolle"
sont retenues, les premiers matériels
tout en acier ne se font pas attendre et en 1875 et,
parmi les officiers supérieurs polytechniciens de
grand talent qui dirigent les études et les fabrications
de ces nouvelles pièces, l'un d'eux, le lieutenant-colonel
"Ragon de Bange"
se distingue particulièrement par ses prototypes
des canons de 80 mm et 90 mm de campagne Mle 1877.
Par
souci d'homogénéité, le Comité
de l'Artillerie lui donne sa préférence et
adopte ainsi le "Système de Bange"
qui regroupe :
le canon de calibre 80 mm, Mle 1877, de l'artillerie légère
et en 1878 celui décomposable en trois fardeaux pour
l'artillerie bâtée,
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Le
30ème B.C.A. vers 1900.
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1896,
le 30ème B.C.A. dans les rochers au dessus
du col de Fours.
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le
canon de calibre 90 mm, Mle 1877, de l'artillerie légère,
le canon de calibre 120 L, Mle 1878, de l'artillerie de
position - siège et place - sur affût
analogue à celui du 155,
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1902 - 30éme B.C.A. - batterie de 120 L, fort
de Roche Lacroix.
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le canon de calibre 155 C, Mle 1881, de l'artillerie de
position, sur affût col de cygne, apte au tir vertical
et au tir plongeant,
le canon de calibre 155 L, Mle 1877, de l'artillerie de
position,

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Carte
postale d'époque d'une batterie de 155 L de
l'artillerie à pied.
Tirant ainsi par le dessus d'une "levée"de
protection, le tir est dit "à la barbette".
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Tirant
également "à la barbette",
l'on distingue sur la levée de protection,
la "banquette d'infanterie", qui
en cas d'arrivée de l'ennemi sur le glacis
ou la contres-escarpe, permet alors de le servir au
fusil.
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le
mortier de 220 mm, Mle 1880, de l'artillerie lourde de position,
chargé par la culasse, sur affût à glissement,
utilisant le mode de tir vertical ou plongeant,
le mortier de 270 mm de siège et de côte.
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1904 - Batterie de côte équipée
de mortiers de 270 mm modèle 1887.
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Ainsi
en quelques années, la construction d'un véritable
système d'artillerie de campagne, de siège,
de place, de côte est réalisé. Cet ensemble
homogène sera complété par quelques
matériels et dispositifs, telle l'adoption en 1880
d'un affût de siège et de place apte à
recevoir les bouches à feu de 90 mm - fort du Janus
- et de 95 mm Lahitolle, plus communément
connu sous la dénomination "d'affût
omnibus".
Depuis
son origine, la mise en œuvre de bouches à feu
dans des enceintes fermées se heurte à une
grave difficulté rendant insoutenable le service
des pièces au bout de quelques coups : la fumée.
Ces
mêmes préoccupations animent toujours les chercheurs
de la munition et, alors qu'en 1885 les allemands
réalisent un projectile d'un type inédit,
chargé d'un explosif brisant, à la suite des
progrès de la métallurgie et de la mécanique,
la chimie à son tour avance à grands pas et
c'est en cette même période, 1884, que le français
Eugène Turpin, découvre le moyen d'utiliser
l'acide picrique comme explosif. Après quelques démêlés
avec le Ministère de la Guerre, son invention baptisée
Mélinite - couleur de miel
- est adoptée pour le chargement des obus. Les expérimentations
de l'effet de ces nouveaux projectiles sur des ouvrages
fortifiés comparables à ceux construits ou
en cours de construction font l'effet d'une bombe, ils ne
résistent pas et les bombardements provoquent de
tels dégâts qu'ils déclenchent la "Crise
de l'obus torpille" qui conduit à l'instruction
ministérielle du 4 août 1886 prescrivant les
mesures à adopter pour de prémunir des obus
torpilles ainsi nommés.
Cette
même année, événement concomitant,
Paul Vieille, autre ingénieur chimiste français,
invente la poudre dite sans fumée, poudre pyroxylée,
obtenue par la gélification du coton-poudre. Appelée
primitivement "Poudre V", puis "Poudre
B" pour des raisons de conservation de son secret,
elle remplace en 1888 la poudre noire dans les charges propulsives
des projectiles.
Vers
l'Artillerie de montagne.
En même
temps que les troupes de montagne, est crée, en 1888,
l'Artillerie de montagne. Certes depuis le
début du siècle des matériels de montagne
ont été construits, mais aucune unité
spécialisé n'a été mise sur
pied.
Douze
batteries sont ainsi constituées et rattachées
:
6
à la 14ème brigade d'artillerie de Grenoble,
6 à la 15ème brigade d'artillerie de Nîmes.
Mais
cela est une autre histoire !
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